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L’OST, une organisation trans lutte de classes

Matthias Lecourbe

L’OST, une organisation trans lutte de classes

Matthias Lecourbe

Sur les piquets de grève, dans la rue… Pendant les derniers mois de mobilisations, on a vu les jeunes, et en particulier les jeunes LGBT, manifester largement contre la réforme des retraites et prendre position aux côté des travailleurs contre un gouvernement haï de tous. L’Organisation de Solidarité Trans (OST) fait partie de ces collectifs qui ont mené activement cette lutte aux côté du mouvement ouvrier.

RP : Tu milites à l’OST qui est une groupe de militantes trans à Tours qui s’est beaucoup fait remarquer ces derniers mois dans le contexte de la mobilisation contre la réforme des retraites, peux tu nous expliquer ce qui la démarque au niveau national
 
Nous on porte une ligne lutte des classes, on considère qu’en tant que mouvement trans on doit faire corps avec le mouvement ouvrier, on ne peut pas faire abstraction des conditions matérielles d’existence. Au niveau local on a un travail constant en lien avec les organisations ouvrières, les syndicats et les partis, y compris pour des questions spécifiquement trans : améliorer la condition des personnes trans au travail ou sur leurs lieux d’études. On est aussi en tant que personnes trans souvent précarisées, avec des conditions de travail difficiles voire pas de travail du tout, avec la nécessité d’avoir recours au travail du sexe, surtout pour les migrantes. On ne peut pas améliorer la condition des personnes trans sans améliorer la condition de tous les travailleurs, sachant que la majorité des personnes trans sont aussi des prolétaires. A notre sens le travail associatif est aussi essentiel pour faire vivre les communautés trans, on n’invente rien, c’est ce que fait le milieu associatif trans depuis toujours, on accompagne à court terme, mais on cherche aussi à avancer à plus long terme en travaillant avec les organisations révolutionnaires, comme les syndicats qui mènent des luttes partielles dans le cadre d’une lutte plus globale contre l’exploitation.
 
RP : Quelle a été votre intervention dans le mouvement contre la réforme des retraites ?

On a eu une présence dans les manifestations, dans les cortèges féministes, des camarades sont allés sur des piquets de grève, se mobilisaient sur leurs lieux de travail et d’études, on a incité nos membres à rejoindre des organisations du mouvement ouvriers pour celles qui n’en faisaient pas encore parti. Nous sommes organisées dans des organisations différentes, mais nous fonctionnons ensemble comme c’est déjà le cas dans les syndicats de travailleurs, autour d’objectifs communs.
 
RP : Comment intervenez-vous dans les syndicats ?

On a des contacts assez importants dans des syndicats, pour lesquels on mène beaucoup d’activités de formations sur la transphobie au travail et les moyens de lutter contre en tant que syndicat. Parfois c’était même les syndicats qui venaient vers nous, Sud Santé Sociaux Tours a obtenu avec nous appui une facilitation du prénom d’usage à l’hôpital, pareil à l’université où militent beaucoup de nos camarades. Tous nos camarades étudiants organisent des animations sur la fac pour rendre publiques les questions trans et échanger dessus avec les étudiant.e.s. On cherche autant que possible à former les syndicats à l’accueil de personnes trans aussi bien en tant que travailleuses syndiquées qu’en tant qu’usagères des lieux de travail et à encourager les travailleurs trans à se syndiquer pour ne pas rester isolés.
 
RP : Comment lutter contre les offensives anti trans ?

On voit que les offensives anti-trans s’intensifient, on voit que c’est les mêmes personnes qui se mobilisaient déjà contre le mariage pour tous en montant de toutes pièces des paniques morales... Les attaques transphobes sont nationales et il faut une réponse nationale, il faut construire une riposte nationale, unitaire avec les féministes, les syndicats. C’est aussi une question internationale, il faut mettre en place une solidarité, en soutenant les personnes trans qui émigrent. C’est une lutte à mener en commun au niveau international contre les militants anti-trans. Ces offensives transphobes arrivent maintenant parce qu’elles devaient bien arriver un jour. Les politiques transphobes ont toujours existé, la question des enfants trans est un faux nez des réactionnaires pour chercher à engranger du pouvoir, exister médiatiquement puisque le sujet émerge depuis une dizaine d’années. Derrière, quand ils attaquent les droits des trans, ils attaquent tous les droits des femmes et des LGBT, ces attaques servent un agenda réactionnaire d’une bourgeoisie qui a tout intérêt à maintenir un système en place qui est le patriarcat, de garder la division du rôle des hommes et des femmes dans l’exploitation ! Le patriarcat est nécessaire à la bonne exploitation de tous les travailleurs.
 
RP : Tu parles de se coordonner au niveau national pour lutter contre les offensives transphobes, j’ai entendu dire que l’OST envisageait se développer au niveau national, est ce que tu peux nous en parler ?
 
Oui, à notre sens pour répondre aux attaques réactionnaires il faut une organisation nationale avec une capacité à riposter. Nous on s’est montées à Tours à partir de rien, on a dû apprendre à gérer l’auto-support mais aussi à faire vivre une organisation dans la durée. Le cadre national permettra d’étendre l’auto-support dans de nombreuses villes qui n’ont pas encore de réseau structuré, on est beaucoup contacté.e.s par des militant.e.s de petites villes. Cela permet aussi de s’inscrire au mieux dans les milieux militants locaux. C’est toutes ces lignes là, à notre sens, qu’il est nécessaire de développer, on pense qu’il faut plusieurs sections de l’OST dans différentes villes. Mais on ne s’est pas réveillée un jour avec le melon de se dire qu’on devait s’étendre au niveau national mais surtout parce qu’on a été contactées par des personnes qui se reconnaissaient dans notre façon de militer aux côtés du mouvement ouvrier et voulaient reproduire ça à leur échelle dans leur ville.
 
RP : On voit de plus en plus s’affirmer chez certains jeunes LGBT l’envie d’affirmer un caractère de classe dans leurs mobilisations, avec une vague de syndicalisation chez l’enseigne très pinkwashée Starbucks, avec en France une dénonciation de l’impérialisme dans les Prides Radicales. Comment interprétez-vous cette tendance ?

Oui je pense que la dimension de classe tend à s’affirmer ces dernières années dans le mouvement trans. On a vu le mouvement LGB s’institutionnaliser avec des résultats limités, il suffit de penser au mandat de François Hollande qui a fait très peu de ce qu’il avait promis en matière de droits LGBT. On s’oppose aussi aux politiques carcérales et racistes proposées par le mouvement LGBT hégémonique : les poursuites pénales sans arrêt ne vont pas améliorer nos conditions de vie en tant que personnes trans et cela ne fait qu’appuyer les politiques carcérales racistes de l’État. En plus dans le contexte extrêmement droitier du quinquennat de Macron on ne peut rien attendre dans les prochaines années par une voie institutionnelle.
 
RP : Est ce que vous pensez que se présenter à la fois comme trans et travailleuses peut aussi permettre de faire reculer la transphobie dans notre classe ?

Oui, la transphobie est un moyen de diviser la classe, les travailleurs n’ont pas intérêt à être transphobes ! La lutte contre la transphobie ne passe pas que par la formation et la sensibilisation mais aussi le fait de militer côte à côte fait à mon avis reculer la transphobie.

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