Un demi-siècle après le coup d’Etat, mais surtout cinquante ans après les « mille jours » qui ont secoué le Chili, Hernán Ortega, l’une des principales figures des Cordons Industriels de Santiago, revient sur la portée de l’expérience menée par la classe ouvrière chilienne entre 1970 et 1973.
Lorsque l’Unité Populaire (UP), la coalition de gauche que dirige Salvador Allende, remporte les élections, en septembre 1970, Hernán Ortega n’a que 22 ans mais déjà une longue trajectoire au sein du Parti socialiste chilien. Par nécessité, comme il le dit, pour avoir « constaté, depuis [son] plus jeune âge, ce qu’étaient les rapports d’exploitation » [1]. Issu d’une famille paysanne, c’est le seul des sept enfants à entrer à l’université mais, bientôt, la politique et le syndicalisme combatif vont dicter le rythme de sa vie, depuis la commune de Maipú, dans la banlieue de Santiago, la capitale, où il milite. En novembre 1970, Ortega commence à travailler à la demande du gouvernement à Carrocerías Franklin, l’une des premières entreprises à passer à l’Aire de production sociale (APS), sorte de secteur nationalisé censé concentrer les entreprises stratégiques. En octobre 1972, ce sont les travailleurs en lutte d’Aluminios Fantuzzi qui exigent qu’Ortega soit nommé administrateur [« interventor »] gouvernemental, car il a leur confiance. C’est au cours de cette année que se constitue le « Cordon industriel de Cerrillos-Maipú », dont Ortega est élu président. Dès lors, avec d’autres militants ouvriers, en particulier de jeunes syndicalistes appartenant au « Comité régional de la Cordillère » et au « Comité régional Nord » du PS, il commence à coordonner, par en bas, les entreprises en lutte, en les reliant aux différentes organisations populaires nées du processus, aux Conseils populaires d’approvisionnement, aux Comités territoriaux qui se consolident dans les « poblaciones », ces quartiers populaires qui ont poussés aux portes de la capitale, ainsi qu’aux Comités paysans locaux.
C’est sur la base de ce travail militant, né dans le sillage de la résistance aux grèves patronales et aux attentats de l’extrême droite factieuse que se crée le « Comité provincial de coordination de Santiago de tous les Cordons Industriels », dont Ortega est élu président. En tant que militants des Cordons, Ortega et ses camarades vivent de l’intérieur les tensions qui traversent le processus révolutionnaire chilien. Depuis Montréal, au Canada, où il a dû s’exiler après le coup d’État et où il continue de militer, Ortega revient dans cet entretien sur l’ensemble de ces « mille jours » qui ont secoué le Chili, sur quelques-unes des batailles du mouvement populaire, sur les contradictions et les frictions qui ont parcouru la base de l’UP ainsi que sur les éléments les plus avancées, en termes d’auto-organisation, qui ont caractérisé le processus chilien.
RP Dimanche : Ce qui était à l’ordre du jour, en 1970, pour les classes populaires qui soutenaient la coalition de gauche, c’était de construire un « Chili radicalement différent ». Quelle était l’ambiance dans le monde du travail, dans le pays, et à Santiago en particulier, parmi celles et ceux avec qui tu militais au quotidien, lors de la victoire de l’UP, en septembre 1970 ?
Hernán Ortega : Je pense qu’à plus d’un demi-siècle de distance, il faut faire de la place aux émotions, aux passions et aux rêves qui nous habitaient et qui font partie de nos souvenirs. Ce bonheur que nous ressentions nous a été enlevé par la terreur et la mort. Mais nous avons été heureux, tout au long de ces mille jours ! Nous étions sur la bonne voie, nous voulions le meilleur pour le Chili.
Dans les années 1960, les vents du changement soufflaient un peu partout dans le monde : il y avait eu Mai 68, en France, il y avait les manifestations aux États-Unis et le mouvement hippie, en opposition à la guerre du Viêt Nam. La révolution cubaine avait triomphé, quelques années plus tôt, et le Che, tombé au combat en Bolivie, en octobre 1967. Il était devenu le symbole d’un héroïsme internationaliste, une source d’inspiration pour des millions de personnes. Ces années-là, l’Amérique latine était en plein bouleversement.
Nous étions, dans un sens, partie prenante de tout cela. Le Chili avait fait l’expérience de la « Révolution de la liberté » [nom donné à son programme par le président démocrate-chrétien Eduardo Frei, arrivé au pouvoir en 1964, et prédécesseur d’Allende, NdE] [2], qui était une sorte de pendant chilien des programmes de l’Alliance pour le progrès [lancée par l’administration étatsunienne]. L’idée était de mettre en place, par en haut, des réformes sociales, mais sans changer le système ni transformer l’État. Il s’agissait d’une stratégie visant à faire taire les revendications populaires, notamment autour des questions de propriété de la terre, à la campagne, et de ressources naturelles [3].
Récupérer nos richesses pour financer un programme révolutionnaire était pour nous stratégique. Il fallait faire bien davantage que donner un simple morceau de terre aux paysans, ou « chiléniser » le cuivre, comme cela avait été fait sous Frei [4].
L’enjeu, du coup, c’était en effet bien plus que « changer de président » [5].
Les intellectuels et les dirigeants de parti livraient leurs analyses de la séquence. Nous allions, nous aussi, beaucoup analyser la période également. Mais l’intuition populaire allait également jouer un grand rôle pour prendre le pouls de la situation, évaluer quand nous aurions à aller de l’avant et quand nous aurions à consacrer la plus grande énergie à la défense du processus et du gouvernement. Personne ne pouvait prétendre connaître le chemin. Et le chemin se construisait avec un acteur tapi dans l’ombre, avec un ennemi qui a commencé à agir dès le premier jour : le fascisme et l’Empire. Personne n’imaginait ce dont ils seraient capables. Peut-être avons-nous surestimé, par enthousiasme, notre force et notre capacité réelles. Mais l’ennemi, la droite conservatrice, ceux qui avaient échoué avec leur programme de « Révolution dans la liberté », pouvaient compter sur une alliance solide. Et ils étaient soutenus par l’Empire.
RP Dimanche : Rapidement, face à l’agressivité extrême des classes dirigeantes et des patrons, soutenus, comme tu le soulignes, par Washington, face aux blocages institutionnels et à l’hostilité de la droite dure et des démocrates-chrétiens, deux lignes se dégagent au sein de la coalition gouvernementale. D’un côté, il y a ceux qui affirment qu’il faut "consolider pour avancer" [« consolidar para avanzar »] et qui défendent une orientation plus modérée, davantage distribuée dans le temps long. Parmi eux, on trouve Allende et la direction du Parti communiste. D’autre part, parmi les dirigeants du Parti socialiste de Carlos Altamirano, le ministre de l’économie Pedro Vuskovic, la gauche de la coalition, il y a l’idée qu’il est nécessaire « d’avancer sans compromis/sans hésitation » [« avanzar sin transar »]. Comment est-ce que ce débat se vit et se lit au sein du monde du travail et dans les entreprises, notamment dans la zone de Maipú, où tu interviens, aux côtés de tes camarades ?
Hernán Ortega : S’il est bien entendu absolument vrai que la droite, d’entrée de jeu, fait de l’obstruction face à toutes les propositions du gouvernement populaire, il y avait aussi une réalité liée au fait que la mobilisation populaire allait en s’amplifiant. Nous étions bien conscients que la victoire électorale était relative, avec 36% des voix aux présidentielles de septembre 1970, et que c’est un vote du Congrès qui avait permis à Allende d’accéder à la présidence [6]. Du point de vue du monde du travail, nous pensions qu’il fallait profiter du vent favorable pour aller de l’avant et accroître ainsi le soutien au gouvernement et au mouvement. Cette thèse n’est pas aussi erronée que certains le prétendent, étant donné qu’Allende et l’UP ont progressé dans tous les scrutins organisés au cours de la période [7] A l’inverse, d’autres défendaient l’idée qu’il valait mieux aller plus lentement, pour rassurer l’électorat face au discours incendiaire et alarmiste de la droite.
Mais objectivement, la droite n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Pour nous, au-delà de l’idée consistant à disposer d’une plus grande force électorale, il s’agissait de consolider et de développer nos forces sur ce que nous considérions comme « notre territoire », et où le processus engrangeaient ses principaux succès. Il fallait contrôler les secteurs industriels stratégiques afin de garantir la production et générer des ressources pour aller de l’avant. Nous n’étions pas prêts à faire de compromis sur ce point, ni à reculer, ni à renoncer à l’approfondissement du processus. Nous voulions générer de nouvelles formes d’organisation correspondant davantage à la nouvelle façon de faire de la politique, caractérisée par un plus grand protagonisme ou intervention populaire active. Ce protagonisme était renforcé par de nouvelles formes d’unité à partir de la base, au sein du monde du travail, chez les « pobladores », les femmes, les étudiants, et cela signifiait commencer à construire une forme alternative de pouvoir ouvrier fondé sur de nouvelles organisations qui allaient au-delà des organisations traditionnelles. Les organisations traditionnelles étaient un peu verticales et ne réussissaient pas à suivre le rythme de la mobilisation qui émergeait des territoires. Il y avait de nouvelles directions qui apparaissaient et qui constituaient une menace pour la droite mais aussi pour certains secteurs [de l’UP] qui entendaient gérer le processus depuis d’autres instances, créant ainsi une certaine distance entre le peuple et Allende.
Cela s’est reflété dans les partis et dans le débat. Il y avait des positions et des divisions au sein de la Démocratie chrétienne, en particulier au sein des secteurs de sa direction liée aux organisations syndicales et sociales, des discussions au sein du PS, une autre position du PC qui appelait à augmenter la production et à éviter la guerre civile, selon les slogans de sa campagne électorale. Selon moi, l’idée selon laquelle il fallait « consolider pour avancer » nous mettait dans une situation de guerre civile, ce que la droite recherchait, d’ailleurs. Mais avec les militaires contre le peuple.
Il est évident que cette situation a eu un impact au sein du mouvement ouvrier, créant des divergences. Mais il est vrai également que cela n’a pas produit les mêmes divergences au sein de nos organisations [de base et les futurs Cordons], compte-tenu du fait que nous avons toujours pu compter sur des dirigeants ouvriers communistes et même, parfois, démocrates-chrétiens, qui participaient pleinement aux nouvelles formes d’organisation sur la base de leur appartenance de classe. Dans nos secteurs, au sein des Cordons, ces débats ont bien eu lieu. Mais cela ne s’est pas traduit par un coup d’arrêt au processus. Bien au contraire, nous y avons défendu l’idée qu’il fallait « avancer sans hésitation », porter le programme populaire.
RP Dimanche : La grande majorité des Cordons sont nés en réponse à la grève patronale d’octobre 1972, mais le Cordon Cerrillos-Maipú était-il déjà en gestation avant l’offensive de la droite, en tant qu’expression de la radicalisation de la base de la classe ouvrière ?
Hernán Ortega : L’origine du Cordon en tant que nouvelle forme d’organisation a commencé à prendre forme en avril 1972, au cours des manifestations pour le transport, pour l’organisation de l’approvisionnement, en lien avec différentes grèves, en lien aussi avec le mouvement des petits paysans qui voulaient reprendre le contrôle des terres des grands domaines près de Santiago afin de garantir la production et l’approvisionnement face au sabotage de l’économie porté par le patronat et qui se faisait sentir de plus en plus. Nos premières réunions ressemblaient à des AG locales [« cabildos »], avec des commissions de travail et de coordination. Jusqu’à ce que les conflits de Perlak, Copihue et Polycron conduisent à la création d’une organisation connue sous le nom de Cordón Cerrillos. On lui a attribué un caractère territorial, de défense et de contrôle afin de garantir la production et l’approvisionnement [8].
En octobre 1972, lorsque éclate la grève patronale dans les transports, le Cordon se renforce car cette forme d’organisation montre qu’il est possible d’affronter la crise et les lockouts par en bas [9]. On a donc commencé à se coordonner, entre militants, pour assurer la gestion des matières premières auxquelles on pouvait avoir accès, des moyens de transport, le tout pour limiter le plus possible les effets de la grève des camionneurs, pour éviter l’arrêt de la production et pour initier une forme de distribution directe de nourriture et de biens de première nécessité, en coordination avec les petits paysans et même avec certains syndicats de marins-pêcheurs qui étaient solidaires de notre mouvement de résistance, en dépit de la distance [entre Santiago et la côte pacifique].
On a mis sur pied un contrôle des moyens de transport et, sur la base de différents comités, on s’est mis à soutenir les usines en difficulté et même à organiser le transport des ouvriers [vers leur lieu de travail] pour contourner le lockout des camionneurs, des transporteurs et des propriétaires d’autobus. La nouvelle organisation a pris la forme d’un pouvoir populaire émergent pour soutenir le processus et pouvoir aller de l’avant.
RP Dimanche : Selon toi, quels ont été les éléments les plus avancés en termes de revendications anticapitalistes et de pouvoir des travailleurs dans les usines qui ont participé aux Cordons ?
Hernán Ortega : Je pense que la réponse précédente montre que l’un de nos acquis, c’est que nous avons démontré notre capacité de contrôler et d’administrer les moyens de production au service du pays, sans avoir besoin des structures traditionnelles de l’administration bourgeoise, sur la base de nouveaux modèles de participation, des comités de production dans les entreprises, les ateliers, etc. De cette façon, nous avons même réussi à augmenter la production et à nous approvisionner en matières premières malgré le sabotage des patrons et de la droite. Chez Aluminios Fantuzzi, par exemple, faute de pouvoir recevoir des matières premières d’Italie, nous avons réussi, par d’autres voies, à les obtenir du Canada. A priori, la production des entreprises du Cordon répondait au marché, mais l’idée était aussi de destiner la production à la demande en produits ménagers et alimentaires à distribuer, en lien avec les paysans en lutte, dans les centres d’approvisionnement populaire direct comme le marché de Maipú, ou directement dans les entreprises de la commune. Mais cela s’accompagnait également d’une augmentation de la production dans certains cas, comme dans le secteur textile, pour répondre, là aussi, à la demande populaire.
On était plus dangereux pour eux [la droite et le patronat], car on démontrait que l’on pouvait faire tourner le pays sans eux. Dès lors, les Cordons sont devenus une menace pour la droite et le fascisme. Ils sont également devenus une source d’inquiétude pour ceux qui [au sein de l’UP et du gouvernement] voulaient diriger le processus par en haut.
C’est ainsi qu’est né le mensonge selon lequel nous étions en train de construire une armée populaire. Au Parlement, l’opposition de droite cherchait à destituer les ministres, et même Allende. On parle alors de « contrôle des armes » et la police perquisitionne les entreprises en lutte à la recherche d’armement [10]. Ajoutons à cela la peur et l’insécurité au sein de la population. Sur ce point, la droite n’a pas changé de stratégie. Le quotidien La Tribuna et d’autres journaux sortaient tous les jours des articles sur de prétendues « actions violentes d’extrême gauche », sur les attentats perpétrés par l’extrême gauche, etc.
A ce moment-là, la droite à l’offensive jouait son va-tout. Et la direction du processus [de l’UP] était un peu brouillonne et confuse. Depuis nos propres positions, au sein de l’UP, on nous accusait d’aller trop vite en besogne. On disait de nous que nous représentions une menace. Que les Cordons échappaient à tout contrôle politique. Malgré tout, dans les moments cruciaux, nombre de dirigeants des partis politiques membres de l’UP venaient à nos réunions pour nous demander de renforcer l’organisation et la défense du gouvernement populaire. Mais dans un sens, également, ils surestimaient notre capacité. Nous avions des limites.
RP Dimanche : Dans la « Lettre ouverte des Cordons à Allende », publiée le 5 septembre 1973, dans la foulée de l’immense journée de manifestation appelée pour célébrer le troisième anniversaire de la victoire électorale, contre l’offensive réactionnaire et contre la menace putschiste, vous exigez du gouvernement une réponse immédiate face aux préparatifs du coup d’Etat qui n’étaient un mystère pour personne. De son côté, dans son bilan de l’expérience de l’Unité Populaire et la « voie pacifique au socialisme », le sociologue marxiste bolivien René Zavaleta Mercado affirme que « lorsque les ennemis [d’Allende] ont choisi la voie de la guerre civile, ceux qui soutenaient la voie pacifique (qui était au cœur de ce que l’on appelait la "voie chilienne") ne pouvaient plus ou ne savaient plus comment passer aux activités de la voie armée. C’est seulement dans ce sens que l’on peut parler d’une catastrophe définitive de la voie chilienne [11] ». Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé la classe ouvrière, la paysannerie mobilisée et les « pobladores » complètement désarmés ?
Hernán Ortega : Dans la lettre ouverte à Allende, nous avons décrit la réalité que nous vivions dans les territoires où les opérations menées par la droite et la présence militaire, qui était censée représenter une garantie pour le gouvernement, se transformait en réalité en une véritable occupation, là où nous avions développé de nouvelles formes d’organisation. C’était le début d’une perte de contrôle face à une force supérieure qui s’installait dans les bastions du pouvoir populaire. Les militaires étaient déjà présents dans les Cordons avant le 11 septembre. Bien avant cela, il y avait eu des raids menés dans les industries où l’on supposait qu’il y avait une production d’armes à grande échelle. C’était une façon de créer un véritable théâtre de l’avant-crise et de l’avant-coup d’État.
C’est ce que nous avons mis en avant, dans la « Lettre des Cordons à Allende ». Notre position n’était pas le soulèvement armé. D’ailleurs, nous n’avions pas d’armes. Mais nous n’étions pas non plus pour mettre un coup d’arrêt à la politique, à céder, en échange de rien, ni à reculer jusqu’à ce que l’offensive réactionnaire finisse, de toute façon, par pousser le gouvernement et ses soutiens dans les cordes. Ce que nous disions, dans ce document public, c’est qu’en cas de coup d’État, une dictature plus brutale qu’aucune autre en Amérique latine à l’époque serait mise en place. Et nous n’avions pas tort. Cependant, nous n’avions pas la capacité de nous battre. Nous n’avions pas d’armes et s’il y a eu quelques poches de résistance, elles se sont traduites par des actions héroïques de la part de camarades qui, avec peu d’armes, ont donné leur vie pour un espoir, celui de la révolution chilienne. Mais il y avait parmi nous la volonté de lutter, de résister, et cela aurait été possible si nous en avions eu les moyens. La terreur a commencé avec le bombardement de La Moneda et la mort du président et de sa garde rapprochée. Ensuite, les militaires ont avancé dans les territoires contrôlés par le mouvement populaire et ses organisations. Ils tiraient à vue, ils voulaient faire peur et instaurer la terreur. Mais cela n’a pas suffi. Ils ont ensuite détruit l’organisation sociale et pratiquement toute l’organisation politique du peuple et de ses partis. Ce n’est pas le gouvernement du président qui s’est éloigné du peuple, mais, fondamentalement, les partis. Le jour du coup d’État, nous avions l’information selon laquelle le soulèvement militaire aurait lieu. Mais tout le monde au sein du gouvernement n’avait pas la même information. Le 10, les factieux et les militaires avaient déjà pris position.
Ce n’est pas pour rien que le président leur a envoyé un message, le jour fatidique du 11 septembre et qui dit, en substance, « vous ferez ce que vous avez à faire, je remplirai ma mission jusqu’au bout » [12]. Et il est mort en combattant. La réaction avait un plan, elle avait les armes et elle avait les traîtres qui, envoyés par l’Empire et soutenus par la bourgeoisie, ont commencé le processus de destruction et de répression le plus brutal de l’histoire du Chili et l’un des plus atroces de l’histoire en général. Tortures, disparitions, morts, exils. Le mouvement populaire a été détruit, les organisations et la direction des partis ont été démantelées. La droite s’est préparée à une guerre contre un peuple, là où il n’y avait pas d’ennemi à combattre.
Propos recueillis par JB Thomas