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Ce que ces « polémiques vestimentaires » nous disent de l’école républicaine

Un proviseur interdit le port du jogging dans les Yvelines

La rentrée était bien tendue depuis le 3 septembre au lycée Condorcet de Limay dans les Yvelines. Intégrée en mai au règlement intérieur et appliquée à la rentrée : l’interdiction de porter un jogging en journée, à l’exception des cours de sport. La peine encourue ? Une après-midi de retenue le mercredi. Après que plusieurs sanctions soient tombées, élèves, parents d’élèves et professeurs ont manifesté leur mécontentement envers cette règle qui vient « fliquer » la jeunesse et ses choix vestimentaires. Enfin… surtout vise à « mettre dans le rang » (ou du moins essayer) une partie de cette jeunesse. Joan Manchette

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Depuis quelques jours, le débat sur les tenues vestimentaires réglementaires dans les lycées et collèges revient sur le tapis. Le directeur du lycée Condorcet de Limay en est le responsable. Depuis la rentrée, le règlement intérieur du lycée a été modifié pour établir un nouveau dress code : fini le jogging la journée. Certains parents, après plusieurs mercredi passés en colle pour quelques lycéens, ont dénoncé une mesure « liberticide ». Après l’étonnement et l’énervement légitimes d’une partie des parents, des élèves et des professeurs, le rectorat a fini par leur donner raison et la règle a été retirée.

Ni l’académie, ni le proviseur n’ont souhaité s’exprimer jusqu’à présent sur cette interdiction. Certains professeurs s’agacent d’une telle mesure qui créait des tensions inutiles alors qu’ils rencontrent tant de difficultés ; classes surchargées, manque de moyens. D’autres viennent dire qu’il s’agit d’un débat stérile, ou encore nous resserve le même plat désormais bien réchauffé qui dit que à l’école « on vient pour travailler et que pour cela il faut une tenue correcte ». La règle aujourd’hui est la suivante : les règlements intérieurs des établissements secondaires exigent une « tenue correcte et décente ». Aux directions d’en définir les contours et les limites.

Des contours et des limites que l’on connaît bien ces dernières années et qui expliquent pourquoi ce débat revient si souvent sur la table, créant la polémique. C’est un débat qui n’est pas nouveau dans les écoles françaises : interdiction des casquettes, des jupes, des débardeurs, des shorts trop courts et surtout des « signes ostentatoires d’appartenance religieuse » et de tout ce qui « dissimule le visage ». Dans le viseur principalement les élèves « difficiles », les jeunes racisés, les « jeunes des quartiers populaires », musulmans ou assimilés comme tels, que le système scolaire « parque » ensemble dans les mêmes établissements et les mêmes filières. En 2015, la polémique avait éclatée suite à l’exclusion d’une collégienne qui portait une jupe « trop longue » sous entendue « pas assez laïque ». Ainsi, nous savons qu’il reste à la discrétion des directeurs, du rectorat, des académies de décider ce qui constitue une tenue « convenable », « correcte » ou « compatible » avec la laïcité.

Un débat aux apparences « superficielles » mais qui soulèvent la question réelle du contrôle exercée sur la jeunesse, de ses comportements, de ses aspirations jusqu’à ses choix vestimentaires, et la stigmatisation toute particulière d’une partie d’entre elle. Les politiques ont aussi bien réussi à instrumentaliser la question du voile qui aujourd’hui a conduit à stigmatiser les jeunes filles qui portent le « voile » qu’à inscrire dans l’imaginaire collectif l’image du « jeune » qui porte un « sweat à capuche », des « baskets » et ce fameux « jogging ». Ces mêmes jeunes qui aujourd’hui se font prioritairement contrôlés au faciès par la police.

Aujourd’hui, encore plus qu’hier, le modèle de l’école française républicaine joue un rôle idéologique majeur pour « mater » cette jeunesse discriminée, traversée par un profond mal-être et qui remet régulièrement en cause l’institution scolaire et ses valeurs. Un rôle majeur aussi, malgré la vitrine que cherche à afficher l’école française – ce lieu de savoir « objectif », à l’abri du reste de la société, où « le temps de l’apprentissage » chaque élève est traité sur le même pied d’égalité qu’un autre–, dans la reproduction des divisions profondes qui traversent la société française.

Pour ceux qui connaissent le visage de cette autre école, celle qui discrimine, celle qui enseigne « sa » version des faits, celle qui divise, il ne s’agit certes « que » d’une histoire de « jogging » mais une histoire qui en dit toujours un peu plus long sur les rapports compliqués entre l’école, l’Etat et la jeunesse française, celle qui aime porter des joggings et qui parfois a une (légère) tendance à l’indiscipline voire à l’insubordination.


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