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Offensive autoritaire

Dernière Rénovation, XR et ATTAC convoqués à l’Assemblée : une intimidation au service de la répression

A l'Assemblée nationale, une commission d’enquête sur les activités des « groupuscules violents » se tient ces dernières semaines pour préparer une offensive contre les participants aux manifestations spontanées post-49.3. Une opération d'intimidation et de répression dans le cadre de laquelle Dernière Rénovation et XR sont convoqués dès ce lundi.

Ariane Anemoyannis

25 juin 2023

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Dernière Rénovation, XR et ATTAC convoqués à l'Assemblée : une intimidation au service de la répression

Convoquées le 31 mai par courriel signé de la commission d’enquête portant sur « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences », les organisations écologistes Dernière Rénovation et Extinction Rébellion devront se présenter à l’Assemblée Nationale ce lundi 26 juin afin d’être auditionnées par les 30 parlementaires composant le groupe de travail. Le 18 juillet, c’est l’association ATTAC, qui fait partie des Soulèvements de la Terre, qui devrait à son tour être entendue dans le même cadre.

L’utilisation de dispositifs extra-judiciaires pour incriminer les militants

Annoncée par la cheffe des députés Renaissance Aurore Bergé début avril, ladite commission a finalement été créée à la suite d’un vote majoritaire à l’Assemblée Nationale le 10 mai dernier et prétend enquêter sur l’activité de diverses organisations durant la période allant du 16 mars au 3 mai. Une fenêtre temporelle qui ne doit rien au hasard puisqu’elle encadre la séquence durant laquelle se sont déroulées les manifestations spontanées contre le 49.3 et la journée historique du 1e mai. De cette façon, le gouvernement cherche à poursuivre la répression des organisations et militants ayant refusé de s’en tenir au calendrier de l’intersyndicale pendant le mouvement des retraites.

En effet, après les violences policières et les interpellations massives, l’Etat expérimente désormais un mécanisme extra-judiciaire pour incriminer celles et ceux qui s’opposent à sa politique écocide. « Habituellement, les organisations écologistes sont invitées à s’exprimer dans le cadre de commissions d’enquête pour apporter leur expertise sur un sujet » explique le porte-parole de Dernière Rénovation Nicolas Turcev, interrogé par Révolution Permanente. Ce fut ainsi le cas en 2020, où le président de l’Association santé environnement France et une coordinatrice du réseau France Nature Environnement étaient auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête portant sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale.

« Cette fois-ci, difficile de ne pas se sentir sur le banc des accusés quand on est convoqué par la droite et le RN » poursuit-il, alors qu’étaient invités à l’occasion d’une table ronde de la commission organisée le 20 juin les syndicats de police UNSA, Alliance et Alternative CFDT. Si les principes de la défense s’appliquent dans le cadre d’une procédure pénale, ce n’est pas le cas en matière d’audition parlementaire. Bien que l’Etat puisse ouvrir d’éventuelles poursuites judiciaires sur le fondement du contenu des auditions, la personne n’a donc pas le droit à un avocat et le refus de répondre aux questions des parlementaires est constitutif d’une infraction punie de 2 ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Une manoeuvre liberticide qui embarrasse jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme, qui indiquait dans sa jurisprudence Corbet c/ France du 19 mars 2015 que « l’impossibilité pour les personnes appelées à comparaître devant une telle commission d’invoquer le respect de ces droits [de se taire et de ne pas participer à sa propre incrimination] pour éviter de répondre à des questions qui pourraient les conduire à s’auto-incriminer est en soi problématique au regard de l’article 6, § 1, de la Convention ».

Les organisations écologistes comme cible principale de l’offensive autoritaire du gouvernement

Force est de constater que ces convocations sont une des nombreuses déclinaisons de l’offensive autoritaire du gouvernement contre le mouvement social, et en particulier le mouvement écologiste. En effet, alors que la dissolution des Soulèvements de la Terre vient d’être actée en Conseil des Ministres ce 21 juin, les organisations convoquées ont reçu un questionnaire liminaire portant notamment sur les manifestations de Sainte-Soline, organisées par les Soulèvements.

Pour Nicolas Turcev, « l’objectif d’une partie des parlementaires de la commission est soit de faire en sorte qu’on se désolidarise des Soulèvements de la Terre, soit de nous dépeindre nous-mêmes comme un groupuscule violent ». Pour le gouvernement, l’enjeu est ainsi de parvenir à isoler la coalition dissoute en intimidant ses nombreux soutiens syndicaux afin de créer un précédent permettant la répression de toute organisation sous prétexte « d’agissements violents à l’encontre des personnes et des biens » selon les dispositions issues de la Loi Séparatisme.

« Les accusations portées contre les Soulèvements de la Terre dans le décret de dissolution peuvent aisément se diriger contre toute organisation de désobéissance civile » abonde Nicolas. Une criminalisation grave du mouvement écologiste qui s’incarne également par l’interpellation d’une trentaine de militants supposément impliqués dans une action contre le cimentier Lafarge. Avec l’utilisation de dispositifs antiterroristes comme le déploiement d’unités de répression telles que la SDAT et la BRI et l’allongement de la durée de garde-à-vue jusqu’à 96 heures, le gouvernement met ainsi en application les procès en « éco-terorisme » faits par Gérald Darmanin à l’automne 2022. Dans ce cadre, la commission d’enquête contribue à serrer les vis à l’encontre des combats écologistes alors que les politiques pro-patronales et écocides du gouvernement génèrent davantage de contestation avec l’aggravation de l’urgence climatique.

Quand les écologistes sont réprimés, c’est tout le mouvement social qui est attaqué

Mais ces attaques contre le mouvement écologiste constituent en réalité la pointe avancée d’une offensive autoritaire qui touche l’ensemble du mouvement social. En l’espace de quelques semaines, trois jeunes de Bordeaux ont frôlé la détention provisoire pour s’être mobilisés sur leur lieu d’étude, des énergéticiens ont été placés en garde-à-vue pour des actions Robin des Bois et des militants antifascistes italiens ont été incarcérés en CRA après les manifestations d’hommage à Clément Méric début juin.

Cette répression ne s’effectue pas uniquement sur le terrain policier ou judiciaire, et s’accompagne d’une volonté des classes dominantes d’élargir les dispositifs légaux permettant de porter atteinte aux libertés démocratiques et à la possibilité de se mobiliser - à l’instar de la proposition de loi des Républicains de criminaliser les occupations d’université - ainsi que d’une rhétorique assimilant toute opposition à du « terrorisme intellectuel » selon les mots de Darmanin.

Une situation qui préoccupe jusqu’au sommet des Nations Unies, où sept experts ont publié ce 15 juin un communiqué de presse qui s’inquiète du « manque de retenue dans l’usage de la force à l’encontre des membres de la société civile qui revendiquent de manière pacifique leur participation aux processus décisionnels concernant leur avenir, l’accès aux ressources naturelles, la protection des droits humains, la dignité et l’égalité » et estime que cela est « non seulement anti-démocratique, mais profondément inquiétant pour l’État de droit ».

Cette situation impose une riposte large et unitaire pour mettre un coup d’arrêt à une dérive autoritaire qui vise l’ensemble de celles et ceux qui se battent pour un autre avenir que celui que promet le gouvernement aux nouvelles générations. À l’image des rassemblements de plusieurs centaines de personnes partout en France à l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre, il est de la responsabilité de l’ensemble du mouvement social de construire le rapport de force nécessaire pour faire reculer un gouvernement qui mise sur l’intimidation et la répression pour clore une séquence de mobilisation historique contre la réforme des retraites.

Face à cette intimidation, Dernière Rénovation appelle à être présents devant l’Assemblée Nationale lundi 26 juin à 17 heures. Il faudra y être nombreux !


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