Cette année la journée du 8 mars advient dans un contexte d’offensives pro-patronales de la part du gouvernement coréen auxquelles les travailleurs ont répondu par plusieurs grèves de grande ampleur, peux-tu nous parler de l’impact de ces mobilisations sur la préparation du 8 mars ?

March to Socialism : Le président Yoon Suk-yeol [droite, ndt] a déclaré qu’« il n’y a plus de discrimination de genre aujourd’hui » et annoncé en conséquence de supprimer le « ministère du Genre et de la Famille ». Pourtant, sa politique économique renforce la tendance pour les femmes travailleuses à avoir un bas salaire et à occuper un emploi précaire. Face à cela, il est nécessaire de se mobiliser massivement, mais le rassemblement organisé le 8 mars par la KCTU (Confédération coréenne des syndicats) n’était guère plus qu’un autre événement annuel. En outre, la KCTU a réduit de plus de moitié son budget pour l’égalité des genres cette année, ce qui a été critiqué par de nombreux délégués lors de leur récent congrès.

Dans le même temps, notre groupe March To Socialism (MTS), mais aussi des syndicats tels que KEC (usine de fabrication de semi-conducteurs), Tollgate, le centre client de l’assurance maladie nationale, KWTU (syndicat des femmes coréennes), et plusieurs organisations féministes et LGBTQI ont travaillé ensemble pour former un « comité d’organisation pour la grève des femmes du 8 mars » et organiser une véritable grève le 8 mars. Le syndicat du National Health Insurance Customer Center et le syndicat KEC ont appelé à la grève, l’ont militée et ont participé au rassemblement auquel nous appelions. Même si la grève est restée très minoritaire, la grève des femmes a été organisée conjointement par 41 organisations et a entraîné plus de 800 personnes, alors qu’une telle grève n’était organisée que pour la première fois en Corée du Sud. Celle-ci constitue un élan important pour avancer la lutte de la classe ouvrière contre l’oppression et l’exploitation des femmes.

Que s’est-il passé dans le cas du Health Insurance Customer Center Branch, et qu’est-ce que ça représente ? 

MtS : Le Health Insurance Customer Center Branch est l’équivalent de l’Assurance Maladie, pour lequel travaillent 1.600 conseillers clientèle, parmi lesquels environ 1.000 sont syndiqués. Ces 1 600 travailleurs sont employés par des sous-traitants et non par le NHIS, et la plupart d’entre eux sont des femmes. En Corée du Sud, la discrimination en matière de salaires et d’emploi entre les travailleurs réguliers et irréguliers [c’est a dire salariés directement de l’entreprise ou sous-traitants et intérimaires, ndlr] est tellement marquée que même si les travailleurs des centres clients du NHIS travaillent plus de 10 ou 20 ans, ils continuent à ne gagner que le salaire minimum. Ils connaissent également la précarité de l’emploi puisque le NHIS change de sous-traitant tous les deux ans. L’intensité du travail est très élevée, c’est pourquoi de nombreux travailleurs quittent l’entreprise après une courte période et beaucoup souffrent de maladies physiques et psychiques dues à une pression émotionnelle constante. Le sort des employés du Centre client de l’Assurance maladie nationale est représentatif du sort de nombreuses travailleuses des centres d’appels. Le National Health Insurance Customer Center Branch est un grand lieu de travail public. Ils ont donc pu former un syndicat et lutter dans des conditions difficiles, et c’est un énorme acquis qui est loin d’être partagé par d’autres centes d’appel privés.

Les élections législatives doivent se tenir dans un mois en Corée du sud, sais-tu quelle est l’attitude des mouvements ouvriers et féministes vis-à-vis de cette échéance ? 

MtS : À l’approche des élections législatives, les partis réformistes (Parti progressiste, Parti de la justice) font pression pour former une coalition électorale avec le « Parti démocrate » bourgeois. Le Parti progressiste a même rejoint une coalition électorale proportionnelle avec le Parti démocrate, tandis que le Parti de la justice est ouvert à la possibilité d’une coalition au niveau des circonscriptions. Nous avons condamné ces politiques d’alliances électorales inter-classistes et proposé que les syndicats s’organisent pour retirer leur soutien aux candidats/partis qui cherchent à former des coalitions avec les partis bourgeois. Nous insistons sur la nécessité pour la classe ouvrière d’avoir sa propre politique indépendante pour construire sa propre lutte, même pendant les élections générales. Le « comité d’organisation pour la grève des femmes du 8 mars » a présenté les revendications suivantes : 1) réduction de l’écart salarial entre les sexes, 2) garantie de soins de santé publics et accessibles, 3) garantie les droits du travail pour tous les travailleurs : - sécurité de l’emploi et abolition du système de travail irrégulier, 4) prise en charge de tous les modes d’avortement par l’assurance maladie, et 5) augmentation du salaire minimum. La MTS continuera à organiser la lutte au sein de la classe ouvrière pour y parvenir.