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Mise au pas

« Tu casses, tu répares » : Gabriel Attal continue d’assommer la jeunesse de mesures répressives

Parmi les attaques annoncées, Gabriel Attal a réservé des mesures particulièrement répressives pour la jeunesse, entre généralisation du SNU et création de travaux d’intérêt généraux pour les mineurs de moins de 16 ans.

Raji Samuthiram

31 janvier

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« Tu casses, tu répares » : Gabriel Attal continue d'assommer la jeunesse de mesures répressives

Crédits photo : Blocus au Lycée Colbert contre l’interdiction des abayas. Capture d’écran X du reportage de Luc Auffret.

« Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ». Parmi sa panoplie d’attaques sociales annoncées sur le fond d’une rhétorique ultra-conservatrice, Gabriel Attal a réservé une orientation particulièrement dure pour la jeunesse.

Après avoir confirmé les mesures de mise au pas à l’école avec la généralisation de l’uniforme et du SNU, Attal a dévoilé de nouveaux volets encore plus répressifs à destination des « jeunes délinquants », visant notamment les jeunes des quartiers populaires associés aux révoltes pour Nahel de l’été dernier. En prime, la création des travaux d’intérêt « éducatifs » pour les mineurs de moins de 16 ans vient donner le ton du « réarmement civique » du gouvernement, qui fait de la jeunesse le fer de lance de sa campagne réactionnaire.

« Faire respecter l’autorité partout » : pour les jeunes, c’est école, famille, patrie

Dans la dizaine de minutes qu’il a consacré aux mesures touchant à l’école et à la jeunesse, l’ancien ministre de l’Éducation a annoncé la mise en place du SNU obligatoire et de la généralisation de l’uniforme dès la rentrée 2026, confirmant, comme il l’avait fait au moment de sa nomination, sa volonté de faire de l’école « la mère de toutes les batailles ».

Mais il n’en est pas resté là : « Réussir le réarmement civique, c’est au cœur des priorités de mon gouvernement. Nous devons faire respecter l’autorité partout : dans les classes, dans les familles, dans les rues. Ce respect s’apprend dans l’école mais ce respect passe aussi par les familles ». Pour se faire, Attal a annoncé la création d’une peine de travaux d’intérêt éducatif pour les mineurs de moins de 16 ans, un dispositif équivalente aux travaux d’intérêt général qui pourra être infligée plus facilement que les peines d’intérêts général. Les travaux d’intérêt généraux seront également mis en place pour les parents « qui se sont totalement soustraits à leur responsabilité parentale » (une mesure annoncée par Borne en octobre dernier).

Enfin, Attal prévoit de faciliter l’accès, « y compris financier », aux places en internat, afin de pouvoir plus facilement proposer la mise en internat des jeunes qui seraient « sur la mauvaise pente ». Un plan qui s’il reste flou, illustre bien la guerre de discipline que le gouvernement d’Attal entend poursuivre en assumant une continuité dans la vengeance contre la jeunesse mobilisée contre les violences policières l’été dernier : « Les violences de juillet dernier ont profondément marqué notre pays. Parmi les émeutiers, des jeunes, très jeunes parfois, qui semblaient avoir déjà coupé les ponts avec notre société, qui ne respectent plus leurs parents ou pour qui la violence semble un moyen comme un autre de tromper l’ennui ».

Mercredi matin, Eric Dupond-Moretti, qui avait orchestré l’acharnement judiciaire contre les jeunes révoltés l’été dernier, a défendu sur France Info ces nouveaux dispositifs punitifs, les qualifiant de « mesures sociales ». Il est même allé jusqu’à assumer le besoin de faire travailler les enfants : « Le travail d’intérêt général, c’est un travail. Or, les conventions internationales nous interdisent de faire travailler les enfants. Alors que fallait-il faire ? Soit rien, soit prendre la situation en charge et faire en sorte que des mineurs soient pris en charge avant l’âge de la responsabilité pénale ».

Ainsi, l’ancien ministre de l’Éducation, qui avait fait ses preuves avec l’interdiction des abayas dans les écoles à la rentrée de 2023, a repris avec aplomb l’appel au « réarmement civique » de son président. Traduction : le renforcement des dispositifs de répression et de militarisation chez la jeunesse, tout en poursuivant la sélection et l’endoctrinement dans les écoles au nom du mérite et du respect des « valeurs républicaines ». Aussi, au prétexte du besoin d’une mise à niveau dans les écoles, qui connaissent une crise profonde résultant des politiques austéritaires, Attal a mis l’accent sur la sélection et la méritocratie : les élèves de seconde devront désormais faire des stages de deux semaines, et le redoublement sera désormais décidé par les équipes pédagogiques plutôt que par les parents.

Cerise sur le gâteau : pour faire face à la montée de la dépression et des pensées suicidaires chez les jeunes, Attal a annoncé vouloir « faire de la santé mentale de notre jeunesse une grande cause de notre action gouvernementale ». Au vu des attaques qu’il réserve pour les jeunes, il y a de quoi s’y atteler.

Une offensive animée par la vengeance contre les quartiers populaires

Il faut le souligner : les annonces d’Attal affecteront particulièrement la jeunesse des quartiers populaires, racisée ou dite « issue de l’immigration », associée aux révoltes de juillet dernier suite au meurtre policier de Nahel. Attal essaie en effet d’asseoir le tournant autoritaire du gouvernement dans des attaques contre la jeunesse, justifiées par une vengeance contre ce mouvement qui avait provoqué une réaction policière brutale et meurtrière. Une réponse qui s’est poursuivi dans les tribunaux, mais également dans les annonces sur le TIG pour les parents et le renforcement la protection judiciaire de la jeunesse et les militaires.

En septembre, l’interdiction des abayas dans les écoles, mesure raciste stigmatisant les jeunes femmes musulmanes et perçues comme telles, avaient également visé en premier lieu ces même milieux. Une politique consciente de la part du gouvernement mettant aujourd’hui au cœur de sa politique néolibérale la nécessité de fortifier l’identité française «  [avant qu’elle ne] se dissolve  », jouant ainsi sur la division et le nationalisme pour mieux faire passer la pilule.

En ce sens, les déclarations de Dupond-Moretti et d’Attal sur la responsabilité des parents, rhétorique déployée au moment des émeutes, sont particulièrement parlantes : « On a 60% des gamins qu’on a retrouvé dans les émeutes qui sont élevés par une femme seule. Comment va-t-on appréhender la situation d’un gamin qui traîne dans la rue à 2 heures du matin à 13 ans si sa maman est solo, dépassée et fait le ménage la nuit dans les bureaux ?  », se demande Éric Dupond-Moretti. Comprendre : pour en enfant de 13 ans, il est acceptable de travailler gratuitement, mais pas de traîner dans la rue le soir.

Ainsi, dans le même volet répressif, Attal a haussé le ton sur la sécurité, promettant de doubler le nombre de policiers d’ici 2030 et de mener une lutte contre le trafic de stupéfiants et la délinquance au quotidien. Une lutte qui devra se traduire par une présence encore plus exacerbée de la police et de leur violence dans les quartiers populaires.

Le vrai casseur, c’est le gouvernement !

Si le discours d’Attal a donc été consacré en grande partie aux attaques sociales qu’il compte mener, le volet répressif pour contenir la colère sociale - qui bat actuellement son plein à bord des tracteurs encerclant Paris - a principalement concerné la jeunesse, accusée de « casser », « salir », et de « défier l’autorité ».

Des déclarations cyniques au regard de tout ce que le gouvernement a « cassé » ces dernières années : dans les hôpitaux, il casse les conditions de travail des agents, supprime des lits, réduit les effectifs ; dans les écoles, il casse le statut d’enseignant et approfondit le manque de moyens et de personnel à tous les niveaux ; dans les transports, les privatisations et les réformes successives détruisent les transports publics. Partout où il passe, le gouvernement « casse », mais ne répare pas.

Et derrière la rhétorique nationaliste et autoritaire, c’est l’ensemble de notre camp social que le gouvernement prévoit d’attaquer, en témoigne les annonces quant aux bas salaires et sur la généralisation du RSA conditionné. Des offensives contre lequel il va falloir organiser la riposte dans les lieux de travail, les universités et les lycées. Car si le gouvernement vise aujourd’hui la jeunesse, qui s’est fortement mobilisée lors de la bataille des retraites et les révoltes des quartiers, c’est parce qu’elle est loin d’avoir dit son dernier mot.


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