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Mobilisation agricole

« Siège de Paris » : la mobilisation des agriculteurs se durcit autour de la capitale

Plusieurs centaines de tracteurs ont convergé vers Paris ce lundi, avec pour objectif d’assiéger la capitale, tandis que des actions menées par les agriculteurs se poursuivent partout dans le pays. Tout en cherchant à encadrer le mouvement avec la FNSEA, le gouvernement prépare de nouvelles annonces pour tenter de calmer la colère.

Arsène Justo

29 janvier

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« Siège de Paris » : la mobilisation des agriculteurs se durcit autour de la capitale

Comme annoncé il y a quelques jours et face aux miettes lâchées par le gouvernement ce jeudi, la mobilisation des agriculteurs se poursuit à travers toute la France, avec comme action principale la convergence de près de 800 tracteurs vers la capitale ce lundi. L’objectif affiché est de bloquer les principaux axes routiers qui permettent l’accès à Paris, et surtout son approvisionnement en denrées alimentaires. La FNSEA, syndicat majoritaire parmi les agriculteurs, a annoncé sous la pression de sa base que l’action ne prendra pas fin tant que le gouvernement n’aura pas fait de concessions suffisantes.

Trente départements concernés et un « siège » de Paris

Au total, trente départements sont touchés par des actions et seize autoroutes sont bloquées ce lundi. Des agriculteurs, notamment grenoblois et caladois, ont par exemple posé un barrage sur l’A7, principale voie routière d’accès à Lyon, tandis qu’un convoi dirigé par la Coordination rurale est parti d’Agen ce matin avec pour destination Rungis, qui abrite le plus grand marché agricole du monde, et avec l’objectif de bloquer le ravitaillement de la ville. D’autres villes sont également ciblées par des blocages, comme Bayonne, Langon (près de Bordeaux), Poitiers, Nîmes ou encore Alès. Plusieurs axes de la frontière franco-belge seraient quant à eux également coupés, à la suite d’actions communes des agriculteurs des deux côtés de la frontière.

Mais, comme nous l’expliquions précédemment, la principale action des agriculteurs ce lundi consiste dans le « siège de Paris », c’est-à-dire le blocage stratégique depuis cet après-midi des principaux axes routiers de la capitale. Près de 800 tracteurs, pour partie venant de l’extérieur de l’Île-de-France, se trouveraient actuellement dans le bassin parisien. Ce blocage se fait principalement sous la direction de la FNSEA et des JA, majoritaires parmi les agriculteurs français et notamment parmi les gros exploitants d’Île-de-France, et en lien avec l’État qui a fixé le cadre de l’action et ses « lignes rouges », les policiers accompagnant la mise en place des points de blocage cet après-midi.

Au total, dix points principaux sont bloqués par les agriculteurs : l’A1 vers Paris à hauteur de Chennevières-Lès-Louvres, l’A1 vers la province à hauteur d’Épiais-lès-Louvres (95), l’A4 vers Paris entre Serris et Jossigny, l’A4 vers la province à Ferrière-en-Brie, l’A6 vers Paris à Villabé, l’A13 dans les deux sens à hauteur de Mantes-la-Jolie, l’A10 dans les deux sens à hauteur de Dourdan, l’A15 vers Paris à hauteur d’Argenteuil, l’A5a vers Paris à hauteur de Réau, l’A5a vers la province à Moissy-cramayel, l’A16 vers la province à hauteur de l’Isle-Adam et la N184 à hauteur de Nerville-le-Forêt.

L’A4, qui relie Strasbourg à Paris et par laquelle transite une partie importante des marchandises en provenance d’Allemagne et d’Europe de l’Est, est par exemple complètement bloquée dans les deux sens de circulation au niveau de Jossigny.

Les blocages sur l’autoroute A15, qui relie principalement Paris au nord-est de la France, se font sous la direction des dirigeants de la FNSEA, en collaboration étroite avec la police.

L’objectif affiché des agriculteurs est de maintenir le blocage tant qu’ils n’auront pas obtenu satisfaction, quitte à dormir sur place.

Une mobilisation contrôlée donc, mais dans le cadre de laquelle l’État craint d’éventuels débordements, alors que le mouvement dépasse par son ampleur les mobilisations des dernières années. De quoi ouvrir une crise importante pour le gouvernement, qui cherche à maintenir un dialogue complaisant avec les agriculteurs mobilisés et à trouver une issue pour calmer la colère, sans évidemment remettre en cause les fondements d’un système agricole qui maintient structurellement toute une partie des agriculteurs dans la pauvreté.

Une situation de crise pour le gouvernement

Alors qu’Attal avait accepté il y a quelques jours de lâcher quelques miettes aux agriculteurs, ces dernières n’ont pas suffi à faire faiblir le mouvement, dirigé par la FNSEA, allié traditionnel de l’Etat. La FNSEA et les JA sont en effet des organisations dirigées par des agrobusinessmen et des très gros exploitants, dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux des petits exploitants qui ont joué un rôle central dans l’émergence du mouvement en Occitanie.

Face à la pression de leur base, ces organisations ont cependant été poussées à poursuivre et étendre le mouvement, cherchant ainsi à profiter de la colère pour arracher des revendications, notamment contre les normes environnementales, mais aussi à canaliser la colère à la base pour éviter qu’elle ne déborde ou ne profite à d’autres organisations, telles que la Coordination Rurale, rivale de la FNSEA marquée à l’extrême-droite. Derrière les méthodes radicales de toutes ces organisations, c’est autour d’un programme anti-écologique, protectionniste et surtout favorable aux gros exploitants et groupes de l’agro-alimentaire qu’elles entendent poursuivre la mobilisation.

Une situation qui n’est pas sans générer de crise pour le gouvernement, qui veut éviter l’explosion mais clore la crise, expliquant ses hésitations et ses tentatives de temporisation. Les dirigeants de la FNSEA et des JA sont ainsi reçus aujourd’hui à 18h à Matignon, et le ministre de l’agriculture Marc Fesneau a annoncé ce matin sur France 2 que : « Dans les 48 heures, on aura un certain nombre de choses à poser sur la table », tandis que Macron et ses ministres se sont réunis aujourd’hui à 15h15 afin de préparer des « annonces importantes » ce mardi. Comme l’a d’ores et déjà annoncé le ministre de l’agriculture, l’objectif de ces annonces sera de « continuer à proposer de la simplification », c’est-à-dire de continuer à répondre aux revendications anti-écologistes et dérégulatrices de la FNSEA.

Face à ce programme qui ne résoudra en rien les problèmes des agriculteurs pauvres, il est fondamental de lutter pour une autre perspective, qui rompe avec la FNSEA et toute orientation capitaliste pour l’agriculture. Sur ce plan, l’appel de la CGT à se lier aux agriculteurs de même que celui des organisations écologistes constitue un point d’appui. Mais pour aller au bout de l’alliance, il faudra un programme et une perspective commune, qui cherche à lutter pour des objectifs qui concernent l’ensemble de la population, en refusant les clivages artificiels et réactionnaires, entre « consommateurs » et agriculteurs, écolos et petits producteurs, mais aussi les perspectives nationalistes.

Un enjeu d’autant plus important alors que le gouvernement prépare une répression qui pourrait finir par s’abattre sur les agriculteurs les plus radicaux. Les signes avant-coureurs de celle-ci sont déjà visibles, alors que 15 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour cette seule journée de lundi et que Rungis ainsi que les deux aéroports parisiens sont cernés depuis dimanche soir par des blindés de la gendarmerie.


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