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Agrobusiness

Scandale sanitaire dans les Deux-Sèvres : 50 à 75 % de l’eau potable contaminée par un pesticide

Il y a deux semaines, les habitants des Deux-Sèvres ont découvert que 50 à 75 % de l’eau de leur département était contaminée par un pesticide interdit depuis 2020. Un scandale sanitaire dont l’agrobusiness est responsable.

Ulysse Pablez

4 mars

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Scandale sanitaire dans les Deux-Sèvres : 50 à 75 % de l'eau potable contaminée par un pesticide

Crédits photo : Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Irstea - Irrigation d’un champ dans la Drôme

Mercredi 14 février, le groupe Mousquetaire retirait des rayons d’Intermarché deux de ses marques d’eau en bouteille « La Fiée des lois » et « Premiers Prix ». Puisant son eau à Prahecq, dans les Deux-Sèvres, la production a été stoppée en raison de la contamination de la nappe par un pesticide fongicide, le R471811 de Chlorothalonil. Pourtant interdit d’utilisation depuis 2020, après avoir été considéré comme un « cancérogène probable », La Nouvelle République révèle que l’Agence de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine avait détecté la présence d’un résidu de pesticide dans la nappe exploitée par Mousquetaire dès septembre 2023.

Plus grave encore, « entre 50 % et 75% de la ressource en eau potable » du département serait contaminée par le pesticide selon Elvire Aronica, directrice de la délégation des Deux-Sèvres de l’ARS. L’eau du département provient de la même nappe souterraine qu’exploite le groupe Agromousquetaires. En outre, la présence de ce résidu y est supérieure au seuil de 0,1 microgramme par litre, fixé par l’autorité sanitaire comme limite de qualité. Néanmoins, selon l’ARS, le résidu de pesticide ne dépassent pas 3 microgrammes par litre, seuil au-delà duquel l’eau est considérée comme non potable.

Si l’ARS déclare qu’il n’y a pas de risque pour la santé des consommateurs, l’ampleur de la contamination est inédite : « ce qui est exceptionnel, c’est l’ampleur du nombre de nappes touchées par la contamination, c’est l’intensité de cette contamination et c’est l’efficacité relative du traitement ».

Pour l’Apieee (Association de protection, d’information et d’études de l’eau et de son environnement), cette pollution de masse n’a rien d’une surprise. Selon sa présidente, l’association est confrontée depuis 1990 à « la dégradation de la qualité de l’eau dans les Deux-Sèvres ». « Le désastre était prévisible », ajoute-t-elle.

La situation dans les Deux-de-Sèvres fait écho à la pollution des ressources en eau de La Rochelle qui, en octobre dernier, avait été obligée de fermer ses captages d’eau potable après la découverte d’un résidu de pesticide lui aussi interdit.

Une situation que dénonce Emiliano, militant contre l’installation des bassines dans la région et secrétaire général de l’Union locale de la CGT Melle : « Ce cas de contamination n’est pas étonnant. C’est la conséquence de toute une politique de gestion de l’eau potable accaparée par une minorité d’exploitants qui l’utilisent pour l’agriculture intensive avec des pesticides dont on voit particulièrement les effets dans les Deux-Sèvres. Je suis soignant dans un Ehpad en milieu rural et je rencontre fréquemment des pensionnaires anciennement agriculteurs devenus malades à cause des pesticides qui sont utilisés dans la région, ça a un impact direct sur la santé des travailleurs et de la population. La récente annonce du prolongement du glyphosate est un immense recul sur la question, si ça continue comme ça on fonce droit dans le mur ».

Le sort de la nappe Deux-Sèvres témoigne des conséquences de l’utilisation à outrance des pesticides dans un système agricole tourné uniquement vers la rentabilité, au seul profit des géants de l’agrobusiness. En 2021, l’INRAE annonçait ainsi avoir détecté la présence de pesticides dans plus de 80 % des sols analysés. La pollution des écosystèmes, comme la pollution des ressources en eau dans les Deux-Sèvres le prouve, persiste même une fois traitée. C’est ce système écocide et dangereux pour la santé des populations et des agriculteurs, frappés par de nombreuses maladies liées aux pesticides (cancers, lymphomes, leucémies ou encore parkinson), que la Commission européenne soutient. Elle en aggrave les conséquences lorsqu’elle renonce à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, comme en février dernier.

Alors que la lutte contre la construction des mégabassines oppose les petits agriculteurs et les écologistes, d’une part, et les géants de l’agro-industrie comme In-Vivo, d’autre part, la pollution continuée des ressources hydriques et des sols est un enjeux majeur pour le département. La récente contamination de la nappe de Prahecq témoigne de l’importance de la lutte contre la dégradation et l’accaparement privé des ressources en eau.


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