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Mois des fiertés

Pride de Paris. Face aux violences anti-LGBT, préparer le combat contre l’extrême-droite et le gouvernement

Au sortir de la bataille des retraites, et alors que le climat social est toujours explosif, ce mois des Fiertés ne doit pas être celui de « l’apaisement ». Contre les violences LGBTI-phobes en hausse, la Marche des Fiertés doit au contraire servir à préparer le combat contre l’extrême-droite et le gouvernement, pour nos droits, nos retraites et nos salaires. C’est dans cette optique que nous y marcherons le 24 juin avec Du Pain et des Roses.

Du Pain et des Roses

21 juin 2023

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Pride de Paris. Face aux violences anti-LGBT, préparer le combat contre l'extrême-droite et le gouvernement

Crédit photo : O Phil des Contrastes

Cette année, la Marche des Fiertés parisienne organisée par l’Inter-LGBT aura lieu sous le slogan « Depuis 10 ans, mariage pour tous / depuis toujours, violences pour tous·tes ». Dix ans après l’adoption de la loi, le mot d’ordre souligne une situation qui peut sembler contradictoire entre les avancées des droits LGBTI sur sur le terrain juridique et la persistance, voire la recrudescence récente, des violences LGBTI-phobes.

Cité par le communiqué de l’Inter-LGBT, le rapport annuel sur les LGBTI-phobies de SOS Homophobie fait état d’une augmentation des violences LGBTI-phobes, et en particulier des violences transphobes, sur fond de discours LGBTI-phobes de plus en plus décomplexés de la part des réactionnaires dans le champ politique et médiatique. Parmis les exemples les plus dramatiques de ces violences, on peut citer l’attentat au cocktail explosif contre le centre LGBT de Tours, ou encore les intimidations de l’extrême-droite contre le concert de Bilal Hassani à Metz. Un climat qui démontre que les avancées pour les droits LGBTI « sur le papier » n’ont pas suffit à elles seules à endiguer les idées réactionnaires et les violences systémiques auxquelles font face les LGBTI.

Ce climat réactionnaire en France est à mettre en lien avec les offensives LGBTI-phobes à l’international, en particulier les offensives législatives transphobes des Républicains qui, avec la complicité du Parti Démocrate de Biden, secouent les Etats-Unis depuis plusieurs mois sur fond de paniques morales médiatiques et de violences portées par des groupes d’extrême-droite. Une rhétorique et des méthodes dont s’inspirent les réactionnaires français, qu’il s’agisse de Zemmour qui reprend la rhétorique des paniques morales LGBTI-phobes autour de la « protection des enfants », ou encore le RN qui a récemment lancé une association parlementaire transpartisane anti-LGBTI contre le « poison wokiste ». Le gouvernement Macron avait déjà posé les jalons pour cette offensive du RN à l’Assemblée, en introduisant les attaques contre militants LGBTI et anti-racistes avec les premières sorties sur le « wokisme ». De la même manière, il a alimenté et créé ce climat qui permet la recrudescence de l’activité de l’extrême-droite en mobilisant ses thèmes et un programme raciste qui n’a rien à lui envier, qu’il s’agisse de la loi Immigration ou de l’offensive coloniale Wuambushu à Mayotte.

Ce qui ne prive pas le gouvernement présidé par Macron de vouloir jouer sur les deux tableaux : il n’en est pas à sa première opération de séduction envers une jeunesse politisée sur les droits des femmes et des LGBTI. Le premier coup de com’ annonciateur de son second mandat (après « la grande cause du quinquennat » autour des violences sexistes et sexuelles de son premier mandat) a été l’opération de communication autour de la PMA. La loi est aujourd’hui loin d’être effective pour toutes et tous, elle exclut notamment les personnes trans, mais plus encore : elle a servi d’artifice à Macron pour cultiver un profil « social » lors de sa réélection après un bilan de popularité catastrophique à la fin de son premier mandat. Des tentatives de cooptation des luttes féministes et LGBT qui se sont répétées pendant le mouvement des retraites avec les coming-out de plusieurs personnalités du gouvernement aux moments les plus forts de la crise politique, mais aussi pendant l’opération Wuambushu avec le « mea culpa » de Darmanin sur ses sorties homophobes pendant les débats du Mariage pour Tous.

Face à ces violences « pour tout·es », comme l’exprime l’Inter-LGBT, il est temps en ce mois des Fiertés de préparer une réponse politique aux violences LGBTI-phobes : une réponse qui permette de faire front contre l’extrême-droite et les réactionnaires, de garantir l’accès réel à nos droits, mais aussi une réponse qui permette de ne pas tomber dans le piège du pinkwashing d’un gouvernement qui pave la voie à l’extrême-droite et n’utilise les droits LGBTI que pour rallier la jeunesse à projet « d’apaisement » antisocial et répressif.

Pour faire le bilan de la bataille des retraites et préparer les combats à venir, le mois des Fiertés ne doit pas être un mois de « l’apaisement »

Ce mois des Fiertés est avant tout pour Macron la dernière ligne droite des « cent jours de l’apaisement » annoncéspour tenter de trouver une sortie de crise après le passage en force de la réforme des retraites. Un élément qui se trouve absent du communiqué de l’Inter-LGBT, qui semble faire abstraction des derniers mois de grèves et de manifestations auxquelles les LGBTI, et en particulier les jeunes, ont pourtant très largement participé.

Le 7 et 8 mars ont été des dates emblématiques de ce mouvement : alors que l’intersyndicale appelait à « mettre le pays à l’arrêt » puis à simplement « se mobiliser » pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des LGBTI, nous avons été nombreux·ses à défendre la perspective d’une grève reconductible et féministe. Mais au-delà même de ces dates, ce sont de nombreux·ses militants·es féministes ou LGBTI qui ont fait des expériences communes de lutte avec des secteurs de travailleurs·euses peu habitué·es à ces questions.

En région parisienne, plusieurs collectifs et associations féministes ou LGBTI ainsi que de nombreux·euses militant·es à titre individuel ont été présent·es à la Tiru d’Ivry pendant le mouvement. On peut aussi noter la présence de la comédienne et militante féministe Adèle Haenel sur le piquet de la raffinerie de Normandie aux côtés du Réseau pour la Grève Générale contre les réquisitions.

Ce mouvement nous a montré, en tant que féministes et LGBTI, que nous ne pouvions pas nous contenter de luttes défensives. Nous avons ainsi lutté pour le retrait d’une réforme qui impacterait d’autant plus les plus précaires, dont font partie les femmes et les LGBTI ainsi que les travailleurs·euses immigrées, mais nous savions déjà que nous avons besoin de revendications offensives pour changer tout un système, au delà des retraites, qui nous défavorise largement.

Au niveau national, l’Intersyndicale n’a appelé ni à reconduire la grève ni à l’élargir à la questions des salaires et des conditions de travail. Une question pourtant brûlante, sur laquelle plusieurs grèves, dont celle des travailleuses de Vertbaudet, ont éclatées. Elle a également refusé d’intégrer les revendications féministes et LGBTI portées en lien avec le mouvement, comme celle des moyens massifs pour la santé et l’éducation afin de rendre effectif nos droits reproductifs. Un symptôme de la stratégie de l’Intersyndicale qui n’envisage la grève que comme un moyen de pression sur les institutions qui décident de la réforme : l’Assemblée, le Sénat, le Conseil Constitutionnel… Une stratégie qui s’est heurtée à un régime anti-démocratique et à un gouvernement qui ne comprend que le rapport de forces.

Alors que la crise autour de la réforme, mais plus encore autour d’un régime profondément anti-démocratique, n’est pas refermée, avec Du Pain et des Roses nous refusons de « tourner la page » de la réforme des retraites. Après des mois de mobilisation profonde et politique, nous pensons qu’il est plus que jamais l’heure de rompre avec le dialogue social et les illusions d’une conquête pas à pas de nos droits par l’interpellation des institutions de l’Etat. Pour les organisations LGBTI et féministes, il est central d’accompagner les jeunes qui ont fait une expérience aux côtés de la classe ouvrière durant ce mouvement, de continuer à construire ces alliances pour préparer les combats à venir pour nos droits, nos retraites, et nos salaires.

Contre l’instrumentalisation de nos combat s : lier les violences LGBTI-phobes et les violences d’Etat pour préparer un mouvement d’ensemble pour nos droits, nos salaires et nos retraites

Le gouvernement Macron joue la surenchère réactionnaire avec la droite et l’extrême-droite avec la multiplication des mesures répressives, xénophobes et racistes, à commencer par la loi Immigration. Il pave la voie à l’extrême droite, quand il ne collabore pas ouvertement avec les réactionnaires. Il est ainsi illusoire de l’interpeller à « avancer sur certains sujets essentiels » pour les LGBTI comme le fait le communiqué de l’Inter-LGBT. Une interpellation qui apparaît d’autant plus contradictoire que le communiqué dénonce avec justesse non seulement la mise en avant des thèmes d’extrême droite par le gouvernement avec la thèse du « wokisme », la collaboration de son groupe à l’Assemblée avec des militantes transphobes notoires, mais surtout le projet profondément raciste de la loi Immigration et son impact sur les migrant·es LGBTI.

Les discours ainsi que le passage de plusieurs lois en faveur des droits LGBTI ne servent pour l’Etat que de paravent pour cacher sa crasse et se construire une image « sociale », comme le montrent les exemples cités par l’Inter-LGBT du peu de cas que fait le gouvernement de la vie réelle des personnes LGBTI, et de l’accès effectif à ces droits entravés par le manque de moyens et les violences systémiques qui perdurent. Les déclarations de Darmanin, qui est revenu sur ces propos homophobes pendant les débats du Mariage pour Tous en sont un exemple parfait : il s’agit non seulement d’un coup de com’ synchronisé avec le début de l’offensive coloniale Wuambushu, une offensive raciste d’une grande violence à Mayotte pilotée par Darmanin lui-même en vue de l’expulsion de plusieurs centaines de personnes, mais aussi d’une « mue politique » opportuniste comme le titre Têtu en vue d’une possible présidentielle en 2027.

C’est avec la même logique que le gouvernement entend se saisir du mois des Fiertés pour redorer son blason. C’est dans ce sens qu’il a annoncé mi-mai le lancement avant l’été d’un nouveau « plan contre la haine anti-LGBT ». Présenté comme une réponse à la hausse des violences, ce plan consisterait principalement à « mieux sanctionner les auteurs » de violences, notamment via « un renforcement de la formation des policiers et gendarmes ». Derrière le coup de com’, il s’agit également d’une illustration du projet répressif du gouvernement, appuyée par la nouvelle démonstration de Darmanin : doubler le budget du FLAG, l’association des policiers et gendarmes LGBT. Un geste qui prend tout son sens après un mouvement contre la réforme des retraites qui a mis en valeur le caractère profondément anti-démocratique du régime et qui a confronté aux violences d’Etat énormément de jeunes et de travailleur·euses, qui ont pu subir pour certain·es des violences de la police à caractère sexistes ou LGBTI-phobe pour avoir manifesté contre la réforme. La priorité du gouvernement est claire : celle de la répression, et ce alors que les personnes LGBTI sont particulièrement impactées par l’inflation qui a fait plonger une partie conséquente des travailleur·euses dans la précarité.

C’est pour toutes ces raisons que nous refusons que le combat légitime pour nos droits soit instrumentalisé par ce même gouvernement pour rallier les LGBTI à un projet d’apaisement néolibéral. A ce titre, il est essentiel pour les acteurs·ices du mouvement LGBTI de porter haut et fort la nécessité du retrait de la loi Immigration (comme l’a fait l’ExistransInter cette année), mais aussi la fin de l’opération coloniale Wuambushu et de militer pour l’ouverture des frontières. Il s’agit de nécessités urgentes pour les personnes LGBTI les plus précaires, qui doivent parfois fuir des pays où leur vie est menacée. Ce sont également des points d’appuis pour construire des alliances contre l’extrême-droite et le gouvernement avec les secteurs de travailleurs·euses précaires, parfois sans papiers, qui se sont mobilisés contre la réforme des retraites et qui continuent de se mobiliser contre la loi Immigration.

Dans un contexte social explosif, il est également nécessaire de lier les revendications pour nos droits, comme la PMA véritablement pour tous·tes et le droit de transitionner librement et gratuitement, à celles pour les salaires et les conditions de travail de tous·tes les travailleurs·euses précaires, et de revendiquer des augmentations de tous les salaires et minimas sociaux à hauteur de 400e pour sortir la tête de l’eau et leur indexation sur l’inflation pour faire face à la hausse des prix, ainsi que la retraite à 60 ans, 55 ans pour les métiers pénibles et sans condition d’annuités. Non seulement les LGBTI font partie pour l’écrasante majorité de ces travailleurs·euses précaires, mais notre accès à la santé est également lié aux conditions de travail des soignant·es et à leur formation, alors qu’ils et elles sont pour beaucoup également plongé·es dans la précarité. C’est pour ça que nous revendiquons des moyens massifs pour les services publics pour garantir l’accès à l’IVG, à la transition et à la PMA pour tous·tes, et la fin des coupes de subventions pour les associations communautaires qui sont dans l’obligation de faire le travail de ce qui devraient être des services publics.

C’est dans cette optique que nous marcherons le 24 juin à la Marche des Fiertés avec Du Pain et des Roses : retrouvez nous à 13h, devant le bar « Le canon de la nation » place de la Nation, pour un cortège anticapitaliste et révolutionnaire contre l’extrême-droite et le gouvernement !, .


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