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Crise économique

Pas-de-Calais. L’usine Maxam Tan licencie 72 salariés et les oblige à ranger avant de partir

Ce lundi, l’ancienne usine Total de Mazingarbe, dans le Pas-de-Calais, ferme définitivement ses portes après plusieurs mois de lutte. Les 72 salariés, contraints de restés jusqu’au bout pour surveiller un dangereux stock de nitrate d’ammonium, vont se retrouver sur le carreau

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Ce lundi 17 mai, c’est le jour de fermeture pour les 72 salariés de l’usine Maxam Tan, à Mazingarbe, dans le Pas-de-Calais. Un énième plan social, remarque l’un d’eux : « C’est uniquement parce qu’il y avait un impact sur la sécurité des villages alentour qu’on a parlé de nous ». L’entreprise classée Seveso « seuil haut » et dont les produits entrent dans la composition d’explosifs civils et d’engrais, était en redressement judiciaire depuis le 26 octobre. Cette usine fabriquait du nitrate d’ammonium, un explosif pour les carrières, le même produit qui a détruit l’usine AZF de Toulouse et le port de Beyrouth.

Les salariés accusent la direction d’avoir procédé à « une faillite organisée pour avoir des contrats avec le principal concurrent en Europe, Yara », selon Virginie Govaert de la CFDT.

Rappelons que le groupe Yara international, qui a quasiment triplé son bénéfice net en 2019 à 59 millions d’euros, a reçu en février le « prix Pinocchio 2020 » du greenwashing, décerné par l’association Les Amis de la terre et la Confédération paysanne. Les organisateurs reprochaient à Yara de se présenter comme un promoteur de « l’agriculture intelligente face au climat », alors que ses émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 20% entre 2009 et 2017 et que l’usage de produits chimiques provoque « de graves dommages sur le climat, la santé, l’air et l’eau », selon les ONG.

Sur le site de l’usine, à l’arrêt depuis le 17 juin 2020, est resté un réservoir plein de 1000 tonnes d’ammoniac liquide. « A température et pression ambiante, il redevient un gaz de façon naturelle en un à deux jours », explique Rudolph, de la maintenance. « S’il n’y a personne pour contrôler, à la moindre petite panne, c’est la catastrophe. » Avec le risque de dispersion d’un nuage toxique, potentiellement mortel, au cœur d’une zone densément peuplée, entre Lens et Béthune.

Le préfet a tapé du poing sur la table, a saisi le procureur de la République de Béthune pour mise en danger de la vie d’autrui. Histoire de ranger avant de partir, on a alors demandé aux ouvriers du site de rester plus longtemps, le temps de vider la sphère d’ammoniac et de sécuriser le reste des matières dangereuses encore présentes. Une demande scandaleuse sachant que si les salariés refusaient, le préfet ferait appel à « des tiers », une perspective que les ouvriers jugent « impensable » sur le plan de la sécurité. « C’était comme leur demander de fabriquer leur cercueil, videz la sphère et ensuite on pourra vous licencier », s’exclame Philippe Dutkiewicz, adjoint aux affaires économiques de la ville de Mazingarbe. « On ne pouvait pas la laisser péter », soupire Stéphane Hugueny, le délégué syndical CFDT, membre de l’intersalariale formée avec la CGT.

Face à cette situation, Stéphane Hugueny, l’un des porte-parole du CSE, déclarait à l’AFP « nous devons élaborer un accord avec le groupe et un calendrier pour mettre en sécurité le site » et réclamait des primes supra légales, notamment « pour suppléer à tous les manquements qu’on a connus depuis longtemps ». Consultés mercredi par le CSE, ils ont par ailleurs voté à 45% en faveur d’une prime de « sécurisation » proposée par le liquidateur judiciaire, et à 18% contre, 35% s’en remettant à la décision du tribunal, selon le porte-parole du CSE. A cette prime, la direction de la maison-mère MaxamCorp a proposé d’ajouter 1,4 million d’euros d’indemnités supra-légales, montant que les salariés jugent insuffisant.

Furieux, ils ont pendu un mannequin sur la sphère de 1000 tonnes d’ammoniac, emblème du site, qu’il a fallu surveiller jusqu’au bout..

Face au chômage grandissant et aux plans de licenciements par centaines que nous réserve le patronat, notre réaction ne doit pas être celle de négocier des indemnités de départs. Il faut rompre avec la politique de dialogue social des directions syndicales et mettre en place un plan de bataille qui allie l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Nous devons combattre et refuser en bloc tous licenciements et toutes baisses de salaire !

Le cas de Maxam Tan montre encore une fois toute l’irrationalité de la gestion écologique des capitalistes. Alors que les conséquences d’un accident peuvent être catastrophiques pour des milliers de personnes, seule une poignée de gens décident de ce qui est produit, comment, pourquoi, dans quelles conditions et quelles sont les mesures de protection nécessaires. Les patrons de cette usine préfère ainsi mettre des dizaines de familles sur le carreaux et aller faire des profits chez un groupe qui a déjà fait ses preuves en terme de gestion écologique criminelle. C’est les ouvriers de l’usine qui ont été le plus raisonnable concernant la sûreté des produits toxiques, pour le bien de la planète et de la population, pas les patrons. Nous ne pouvons laisser une minorité de personnes à la recherche de bénéfices toujours plus important prendre des décisions aussi irréversibles. Nous devons revendiquer l’expropriation sous contrôle des travailleurs et de la population locale de ces usines. Il faut que les premiers concernés par les risques soient ceux qui s’assurent que la production est la moins dangereuse possible.


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