Très longtemps invisibilisées, les AESH relèvent la tête en se mobilisant depuis plusieurs mois. Ce qui a mis le feu aux poudres ? La mise en place des PIALs (les pôles inclusifs d’accompagnement localisés) qui sont synonymes de la fin de l’accompagnement individuel des élèves handicapées. Les AESH se retrouvent en effet depuis l’installation de ces pôles, basculés d’un établissement a un autre, pouvant être en maternelle le matin et en lycée l’après-midi. Elles dénoncent une illusion de l’accompagnement spécifique d’élèves handicapés a grand besoin d’accompagnement qui va de pair avec le délabrement de leurs conditions de travail.
Avec un salaire moyen de 760 euros net par mois, des temps partiels subis et un statut extrêmement précaire en CDD alors que beaucoup travaillent au même poste depuis plusieurs années, elles se sont très largement mobilisées ce mardi 19 octobre, avec des rassemblements et des manifestations dans toute la France.
Beaucoup doivent cumuler plusieurs emplois pour finir les fins de mois, et leur situation, totalement dévalorisée tant du point de vue salarial, que des types de contrats, est une forme de maltraitance institutionnelle faite aux personnels AESH, mais aussi aux enfants handicapés qu’elles suivent. Le nombre d’enfant par AESH ne cesse en effet de grimper, sans jamais de moyens, ni d’effectifs supplémentaires.
C’est bien ce dont témoigne Mylène, AESH dans le Val-d’Oise venu manifester dans les rues parisiennes ce mardi : « cela fait 10 ans que je suis AESH, le salaire n’a pas augmenté et les conditions de travail se sont énormément dégradées : on est passé de 3 élèves à suivre par AESH à plus d’une dizaine ».
Mylène AESH dans le 95 « ça fait 10 ans que je fais ce métier et les conditions ce sont dégradées en gros on a pas de moyen et on est même pas reconnu ! »#AESH19octobre #AESH pic.twitter.com/Mry57Q99fu
— Révolution Permanente (@RevPermanente) October 19, 2021
Une mobilisation qui prend de l’ampleur
En effet, la mobilisation des AESH dure depuis plusieurs mois, et elle se construit et prend sa force localement. Comme à Sarcelles, dans le département du Val d’Oise en Ile-de-France, où une trentaine d’AESH, de plusieurs établissements du secteur, se sont donné rendez-vous ce matin avec leurs soutiens et des enseignants, également mobilisés. Les prises de paroles se sont déroulées devant la mairie, avant de rejoindre la gare de Garges-Sarcelles pour constituer un cortège « Val d’Oise Est » pour la manifestation parisienne. Certains enseignants étaient à leur côté, mobilisés et en grève. Une caisse de grève avait été montée pour soutenir les AESH dont les salaires frôlent à peine les 800 euros et pour qui la grève a un sérieux coût.
Ce matin les #aesh et des https://t.co/IXT2uOaO0W d'école de Garges Sarcelles dans le 95 étaient réunis ce matin avant de partir en manifestation pour exiger de meilleures conditions de travail et de vie ! pic.twitter.com/ejwSYd2XO4
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Myriam, #AESH depuis 1998 et en grève aujourd'hui "depuis 1998 j'apprends tout toute seule. Les aesh, les enseignants, les élèves on est tous livrés à nous mêmes sans moyens" pic.twitter.com/pU9ZdRWztW
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Les cortèges étaient d’ailleurs assez fournis à Paris, Toulouse, Bordeaux, Lille avec la présence de l’intersyndicale et une forte présence de Force Ouvrière. Les cortèges étaient très dynamiques, ponctués de slogan et de chansons.
Dans la manifestation, les AESH ont montré leur détermination à obtenir la titularisation !
"On est dans la rue pour obtenir un vrai statut" pic.twitter.com/3wiphMVlWs
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[En direct] de la mobilisation parisienne des #AESH beaucoup de colère et de détermination pour réclamer un vrai statut, un vrai salaire et dénoncer l’hypocrisie du ministre Blanquer quand à l’inclusion des élèves handicapés pic.twitter.com/crsEj7yYek
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Une grève de femmes
Les cortèges étaient, à l’image de la profession, majoritairement constitués de femmes. Beaucoup témoignent de l’importance du soutien et de « se retrouver » en manifestation, « de ne pas être seule alors que le travail est très solitaire ».
« On apprend tout, toute seule » témoigne Myriam, AESH depuis 1998. Sans moyens et sans formation, les AESH sont vraiment les petites mains féminines de l’Éducation Nationale, méprisées par l’institution. Comme toutes les professions majoritairement féminisées, elles sont sous-payées et subissent des temps partiels subis.
Myriam, #AESH depuis 1998 et en grève aujourd'hui "depuis 1998 j'apprends tout toute seule. Les aesh, les enseignants, les élèves on est tous livrés à nous mêmes sans moyens" pic.twitter.com/pU9ZdRWztW
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La nécessité de faire front au sein de l’Éducation Nationale
A leur côté, dans les cortèges, on retrouve la présence de certains enseignants et Assistants d’Éducation (AED), convaincus qu’il faut soutenir leurs collègues pour obtenir des meilleures conditions de travail pour l’ensemble du secteur de l’Éducation. Les AED sont également touchés par la très grande précarité de leur statut comme aux salaires faibles, justifiés par l’institution par le fait qu’il s’agisse d’un « travail étudiant », alors que pour beaucoup, il s’agit de leur principale source d’activité et surtout d’un vrai emploi. En effet, la fonction d’AED est limitée à 6 ans d’effectivité et surtout, elle repose sur une succession de CDD renouvelables chaque année qui précarise l’existence.
Précaires de l'Education : les #AED (assistants d'éducation) aux côtés des #AESH : "nous soutenons nos collègues AESH car nous subissons la même précarité [...] Tandis que la police est augmentée, rien n'est fait dans l'Education sous #COVID19 " #BlanquerDemission #education pic.twitter.com/ROAKsG79uZ
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Ces liens entre travailleurs de l’Éducation sont encore trop limités. Alors que l’ensemble des travailleurs de l’éducation sont concernés par une montée des effectifs, des salaires gelés, et une dégradation des conditions de travail, le combat d’une profession doit devenir le combat de tous pour l’école. Profs, agents de nettoyage, personnels administratifs, Conseiller Principal d’Éducation (CPE), Assistants d’Éducation (AEDs), Assistants Pédagogique (AP), AESH, Assistantes de Vie Scolaire (AVS), doivent s’unir dans leurs combats et se soutenir mutuellement dans la lutte. Démultipliant et renouant avec la tradition des Assemblées Générales pour poser les revendications des travailleurs de l’éducation dans leur ensemble, seule perspective pour sortir de l’isolement, penser l’école de demain bien loin d’une vision néolibérale, d’un « marché de l’éducation » tel que Blanquer cherche a mettre en place. Il en va des conditions de travail de chacun et de tous. Et de l’école de nos enfants.