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Affaire Oudéa-Castéra

Misogyne, homophobe... Bienvenue à Stanislas, l’école catholique pour les enfants de la bourgeoisie

C’est là qu’est né la polémique. Les enfants de la ministre de l’Education Nationale sont à Stanislas. Une usine à formation des cadres dirigeants de la bourgeoisie où catholicisme intégriste, sexisme, homophobie et harcèlement font partie du quotidien.

Benoit Barnett

17 janvier

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Misogyne, homophobe... Bienvenue à Stanislas, l'école catholique pour les enfants de la bourgeoisie

Depuis le remaniement, la polémique ne désenfle pas autour d’Amélie Oudéa-Castéra. Une ministre de l’Education Nationale qui met ses enfants dans le privé, ça fait tâche. Encore plus si elle explique que son choix était motivé par de nombreuses heures « pas remplacées » dans le public — une version démentie par l’établissement qui a accueilli son aîné pour la courte période de 6 mois en petite section de maternelle. Ses enfants ont donc trouvé une place à Stanislas, établissement d’élite du centre parisien dont les murs ont connu Charles de Gaulle, Martin Bouygues, Carlos Ghosn, Jean-Michel Blanquer ou Alain Soral.

Cet établissement, qui encadre 3600 élèves de la maternelle au lycée, est sous contrat avec l’Etat et perçoit donc des financements publics. Pour l’année scolaire 2022-2023, ce sont 1,3 millions d’euros qui ont alimenté les caisses de Stanislas, à quoi il faut ajouter 487 000 euros de subventions facultatives de la région Ile-de-France sous la direction de Valérie Pecresse. Une entreprise rentable pour l’établissement, qui, contrairement à l’éducation publique, bénéficie aussi de frais d’inscriptions exorbitant qui font de lui un établissement destiné aux enfants des plus riches. Pour un élève de primaire, l’année s’élève à 2027 €, 2200 € pour le collège et 2 500 € pour le lycée. Ainsi, en 2022, Stanislas aurait dégagé 3 millions d’euros de bénéfices avant impôts.

Contrôle des corps, apologie des thérapies de conversion et cours anti-avortement

Stanislas est le modèle d’éducation idéale pour les enfants de la bourgeoisie qui cherche à cultiver un entre-soi disciplinaire et qui se fait le relais d’une éducation catholique, aux moeurs réactionnaires, où le contrôle des corps est la règle. Dans un extrait du règlement intérieur publié sur X, on peut voir les habits et la tenue des élèves y être passé au peigne fin, renforçant par la même occasion les différences de traitement entre garçons et filles.

Ce 16 janvier, Mediapart publiait en intégralité un rapport d’inspection du collège Stanislas, qu’Amélie Oudéa-Castéra affirmait ne pas détenir (nouveau mensonge). Selon Médiapart, Gabriel Attal et Amélie Oudéa-Castéra ont refusé de rendre public ce texte de 30 pages qui fait état du sexisme, de l’homophobie et des pratiques d’humiliations mises en place dans le deuxième meilleur lycée français.

Ouvertement catholique, cet établissement demande dès l’inscription une « adhésion au volet "formation chrétienne" du projet éducatif » et oblige ses élèves à une heure de catéchèse hebdomadaire au cours de laquelle ils apprennent que s’ils ne sont pas baptisés, ils seront « damnés » et condamnés à l’enfer, avec selon les témoignages des parents interrogés « une tendance au prosélytisme ». De plus, des enseignements complotistes, anti-science y sont dispensés, où on apprend que « l’avortement était encouragé parce que les foetus étaient utilisés pour des médicaments, le Doliprane notamment » ou encore que « François Hollande était un danger pour la République puisqu’il défendait la théorie du genre ». L’homosexualité y est décrite comme une « maladie », on peut aussi y apprendre que c’est la « sodomie qui apporte le sida », ou encore que « si l’on se sent homosexuel, il faut se faire soigner dans une structure religieuse au Canada ».

Si le catéchiste qui était responsable de ces propos a été remercié, les enseignements réactionnaires perdurent. Frédéric Gautier, directeur du collège assume sa ligne : « Nous devons transmettre les enseignements de l’Eglise sur le respect de la vie de sa conception à la fin ». Une ligne général qui explique la présence de cours d’éducation affective purement sexiste, qui rappelle aux filles scolarisées à Stanislas que les garçons ont des pulsions et qu’elles doivent se comporter « avec pudeur ». En effet, Inès de Franclieu, responsable de l’association de parents Com’Parents et intervenante à Stanislas, n’hésite pas à faire porter la faute des violences sexistes et sexuelles sur les victimes : « Les filles se plaignent qu’on leur parle de pudeur, mais ce sont aussi les premières à dire qu’elles se font violer aujourd’hui. Il faut donc qu’elles apprennent qu’on ne fonctionne pas pareil. » Quand Frédéric Gautier est confronté à ce sujet, il feint l’ignorance et invoque « la liberté éducative, reconnue par la loi Debré de 1959 ».

L’ancien ministre de l’Education, désormais Premier Ministre, Gabriel Attal, est bien au courant de tout cela. En novembre dernier, il a été sollicité par un parent d’élève dont la fille a été exclue du collège alors qu’elle dénonçait l’homophobie et le racisme d’un des membres du personnel. Sa lettre est restée sans réponse. Le rapport, de son côté va dans le sens du parent d’élève et parle d’une exclusion arbitraire, sans conseil de discipline contre une « une élève brillante qui ne correspond plus à "l’esprit Stan" » en raison de position « militante ».

À la lecture de ce rapport, une conclusion s’impose : Stanislas est bel et bien une usine qui produit les chefs politiques réactionnaires de demain et qui occuperont les postes de l’ombre dans les cabinets des ministères et des plus grandes entreprises. Un condensé de haine de classe contre les classes populaires qui s’exprime dès la sortie des bancs de l’école par un vote massif pour Zemmour.

Réduire à peau de chagrin l’école publique pour développer le privé

Le choix de Stanislas pour l’éducation des enfants de Amélie Oudéa-Castéra n’est pas un hasard. Si cette dernière prétend que les problèmes de l’école publique ont motivé ce choix, la réalité est plutôt que la nouvelle ministre de l’éducation et son mari, Frédéric Oudéa, président de Sanofi et ancien PDG de la Société Générale, épinglé à la suite de la publication des Panama Papers, ont voulu élever leurs enfants parmi les leurs, les héritiers de ceux qui possèdent tout et décident tout dans cette société. La nouvelle ministre a commencé son mandat en crachant d’entrée de jeu sur les travailleurs de l’Education et en mentant sur les raisons de l’inscription de ses enfants dans un collège catholique intégriste.

Et c’est bien la philosophie Stanislas que Macron la charge de mettre en place à l’école pour réarmer civiquement, démographiquement, nationalement et à la fin réarmer tout court la jeunesse. C’est le sens des mesures qui sont prises pour la jeunesse (SNU, uniforme obligatoire) sur fond de casse des conditions statutaires des enseignants.


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