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Bobards ministériels

Fonds Marianne : Marlène Schiappa cherche à masquer sa responsabilité malgré des preuves accablantes

Interrogée par la commission d’enquête sénatoriale, Marlène Schiappa se défausse de la responsabilité du Fonds Marianne qu’elle a initié et dont une partie des 2,5 millions d’euros ont atterri dans la poches de Mohamed Sifaoui, journaliste islamophobe. Une magouille qui a servi à alimenter l’offensive islamophobe menée par le gouvernement Macron.

Benoit Barnett

14 juin 2023

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Fonds Marianne : Marlène Schiappa cherche à masquer sa responsabilité malgré des preuves accablantes

[Crédits photo : Capture d’écran Public Sénat]

Ce mercredi matin, Marlène Schiappa était reçue par la commission d’enquête du Sénat dans le cadre du scandale du Fonds Marianne, créé suite au meurtre de l’enseignant de Conflans-Sainte-Honorine, Samuel Paty. Pendant plus de trois heures, la Secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire, Ministre déléguée à la citoyenneté au moment des faits, a cherché à démentir son implication dans le détournement de fonds publics par les associations porteuses de l’offensive islamophobe contre le « séparatisme ». Une enquête qui avance après que les domiciles des personnes impliquées dans la gestion du fonds ont fait l’objet de perquisitions ces derniers jours.

Alors que Christian Gravel, préfet responsable du CIPDR (Comité Interministériel de prévention contre la délinquance, la radicalisation et les dérives sectaires) et proche du Printemps Républicain, démissionnait la semaine dernière, révélant l’ampleur du scandale d’Etat derrière l’utilisation des fonds publics, c’est au tour de Schiappa d’être interrogée. Elle a passé la matinée à nier en bloc jusqu’à son rôle-même dans la mise en place du Fonds Marianne.

Le chef d’accusation de « détournement de fonds » repose sur les révélations autour du rôle de Mohamed Sifaoui, spécialiste auto-désigné du radicalisme religieux, responsable de l’USEPPM (Union Fédérative des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire) dont l’association a reçu 355 000 euros puisés dans le Fonds Marianne. Au moment de son audition devant la commission d’enquête ad hoc du sénat, Christian Gravel avait admis que le projet de l’USEPPM émanait d’une « commande politique » de Marlène Schiappa. Une déclaration qui a été corroborée par Cyril Karunagan, collègue de Mohamed Sifaoui et impliqué dans l’affaire de détournement de fonds.

Les 355 000 euros d’argents publics déversé dans l’USEPPM ont servi à la mis en route de Ilaïc, un projet multimédia ayant servi de support de propagande s’attaquant aux personnalités de gauche et d’extrême-gauche, et ce quelques mois avant la présidentielle. Leur chaîne YouTube a publié, au début de la campagne présidentielle, une vidéo accusant Anasse Kazib, cheminot et porte-parole de Révolution Permanente, alors candidat à la présidentielle, de « duplicité indulgente à l’égard de l’islam politique », car il continue de dénoncer les politiques islamophobes de l’Etat Francais. Lui et d’autres militants et intellectuels anti-racistes sont aussi représentés dans un montage publié par Ilaïc, aux côtés du djihadiste Salah Abdeslam. Une représentation seulement plus décomplexée de la campagne menée par les ministres macronistes en croisade contre "l’islamo-gauchisme".

Dans son audition, Marlène Schiappa prétend n’être au courant de rien. En se cachant derrière la responsabilité du CIPDR, elle explique ne pas savoir « ce que s’est dit entre [son] cabinet et M. Sifaoui » et que le CIPDR est celui qui « a donné un avis favorable au fait de pouvoir financer ce dossier de manière unanime par l’ensemble des membres du comité de sélection ». Un mensonge facilement démenti car, au moment de l’appel à projet émis par le CIPDR, Marlène Schiappa en était la ministre de tutelle et a compté sur la participation de Mohamed Sifaoui dans la rédaction de la loi sur le « séparatisme ».

Schiappa essaye de prendre les gens pour des imbéciles ce qui n’a convaincu aucun membre de la commission sénatoriale : « Ce qui continue de m’étonner, je vous le dis, [c’est que] vous n’êtes jamais à l’origine de la décision, a observé le rapporteur, Jean-François Husson. Vous l’apprenez, c’est votre administration, le cabinet ne vous alerte pas… Vous dites “Je n’ai pas de notes, ça s’accélère”. »

Ce scandale d’Etat est une illustration des moyens qu’est prêt à déployer le gouvernement pour sa politique islamophobe, jusqu’à créer des fonds spéciaux d’argent public pour arroser des amis afin de mener des campagnes médiatiques. Campagnes qui ont un seul et même but, la création d’un « ennemi intérieur ». Pour le gouvernement, le meurtre atroce de Samuel Paty n’a ainsi été perçu que comme l’occasion d’une superbe opération de com’ pour justifier de nouveaux tournants sécuritaires après les fiascos en chaîne pendant la pandémie. C’est selon la même logique, qu’Aurore Bergé a sauté sur l’horreur de l’attaque au couteau d’Annecy pour éviter le vote sur l’abrogation de la réforme des retraites. Mais le scandale de Schiappa, qui implique un détournement d’argent public, ne rend pas moins scandaleux toute l’agitation islamophobe et le délire anti-musulman entretenu quotidiennement au grand jour par les chaînes de télé (car qui dit approche des vacances, dit polémique annuelle sur le burkini) et le gouvernement dans sa course à l’échalote contre l’extrême droite. La répression paranoïaque des abayas dans les collèges et les lycées en est une illustration récente.

Ce scandale doit être l’occasion pour l’ensemble du mouvement ouvrier de prendre des positions fermes contre la déferlante islamophobe et le racisme qui s’exprime à échelle européenne contre les migrants et revendiquer haut et fort l’abrogation de tous les dispositifs sécuritaires et racistes, à commencer par la loi séparatisme et les mesures d’Etat d’urgence qui servent à réprimer la contestation sociale.


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