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Censure

« Endiguer les dérapages » : A l’assemblée, Snapchat revendique la censure contre les révoltes

Lors d’une table ronde à l’Assemblée Nationale, la responsable des affaires publiques Snapchat France, ancienne collaboratrice de la députée LREM Laeticia Avia, a assumé la censure déployée sur la plateforme contre la révolte des quartiers populaires.

Seb Nanzhel

11 juillet 2023

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« Endiguer les dérapages » : A l'assemblée, Snapchat revendique la censure contre les révoltes

Crédits photo : capture d’écran Assemblée nationale

« Nous avons travaillé conjointement avec le ministère de l’intérieur et les différentes autorités afin d’essayer d’endiguer le plus rapidement possible les différents dérapages qu’on a pu percevoir sur le terrain ». Ce n’est pas la déclaration d’un préfet, mais de Sarah Bouchahoua, responsable des affaires publiques France pour le réseau social Snapchat, au cours d’une table ronde à l’Assemblée nationale.

Organisée dans le cadre de l’enquête parlementaire sur « l’organisation des groupuscules violents en manifestation », cette table ronde a rassemblé des responsables France de Tiktok, Meta et Snapchat, ainsi que des données communiquées par Twitter devant la commission d’enquête, présidée par le député LR Patrick Hetzel.

Au cours de ses interventions, la représentante France de Snapchat a assumé et revendiqué la censure et le contrôle des contenus opérés par la plateforme lors de la révolte qui a suivi le meurtre policier de Nahel. Le tout en lien étroit avec le gouvernement français. Elle explique ainsi : « nous avons dès mardi 27 juin 2023, jour du drame ayant entraîné la mort du jeune homme de 17 ans, créé une task force interne qui réunit nos équipes de modération, nos équipes de collaboration avec les forces de l’ordre, moi-même, nos équipes d’ingénierie et de communication afin d’essayer de traiter et d’endiguer le plus rapidement possible tous les contenus illicites ». Avant de continuer : « nous sommes fiers aujourd’hui d’avoir pu répondre dans des délais très restreints et dans l’urgence aux trois principales préoccupations du gouvernement. La première c’était retirer le plus rapidement possible l’ensemble des contenus signalés. La deuxième répondre le plus rapidement possible aux réquisitions judiciaires provenant des autorités françaises et sensibiliser notre audience sur les différents phénomènes perçus sur le terrain », poursuit-elle.

Dans les faits, ce contrôle politique des contenus s’incarne dans l’incitation à la création et la mise en avant par la plateforme de posts correspondant à la ligne gouvernementale : « plusieurs de nos créateurs de contenu ont pris leur caméra Snapchat afin de prendre la parole et de sensibiliser leurs audiences et d’essayer d’appeler au calme », mais également une modération à grande échelle de l’outil Snapmap (une fonctionnalité qui affiche géographiquement les posts et la densité d’utilisateurs) : « Nous avons travaillé conjointement avec le ministère de l’intérieur et les différentes autorités afin d’essayer d’endiguer le plus rapidement possible les différents dérapages qu’on a pu percevoir sur le terrain. L’ensemble des stories publiées sur la map c’étaient vraiment des utilisateurs à la fin qui se plaignaient des émeutes et des conséquences des émeutes ».

Des déclarations qui attestent de la censure gouvernementale déployée contre la révolte des quartiers populaires. Le vendredi 30 juin, le ministère de l’intérieur recevait ainsi les représentants de différentes plateformes afin d’organiser cette dernière. Moins d’une semaine plus tard, BFM TV indiquait que « Les réseaux sociaux ont "très rapidement retiré des milliers de contenus illicites et suspendu des centaines de comptes" à la demande de l’Etat pendant les émeutes faisant suite à la mort de Nahel, a indiqué mercredi à l’AFP le ministère délégué au Numérique. » Une censure qui s’est également déclinée en des shadowban, c’est-à-dire des limitation de l’audience de certains contenus, ou encore en des coups de pression directs du ministère de l’intérieur, principalement à l’encontre de pages militantes.

Le gouvernement mène aujourd’hui une offensive visant à justifier cette censure, allant jusqu’à menacer de couper l’accès aux réseaux en cas de crise. Le Parlement Européen a lui voté en octobre dernier une loi allant dans ce sens. Mais les déclarations de Sarah Bouchahoua pour Snapchat montrent que ces mesures liberticides peuvent d’ores et déjà compter sur le soutien des entreprises du numérique et le patronat plus en général. Un soutien qui s’explique d’autant plus facilement qu’avant d’accéder à son poste chez Snapchat, Sarah Bouchahoua était collaboratrice parlementaire de la députée LREM Laeticia Avia autrice de la loi Avia, visant à faciliter et étendre la censure des réseaux sociaux, qui avait été très lourdement retoquée par le conseil constitutionnel en raison des risques « [d’]atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication » qu’elle représentait.

De la même manière que dans les pays sous domination coloniale, la population des quartiers populaires représente historiquement une population cobaye pour les politiques répressives de l’Etat, à l’image de la création de la BAC, essentielle aujourd’hui aux dispositif de répression en manifestation. Cette première censure opérée durant les révoltes des quartiers est un avant-goût de l’offensive future que prépare le gouvernement pour les futurs mobilisations et constitue un précédent et un saut dans le durcissement autoritaire du gouvernement.

Autant d’éléments qui montrent que les gouvernements, main dans la main avec les entreprises, entendent mener une nouvelle offensive liberticide et autoritaire, face à laquelle notre camp social doit dès maintenant préparer une riposte à la hauteur.

Lire aussi : Face à la répression et aux attaques de Macron : riposte ouvrière et populaire par la grève et l’action !


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