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Impérialisme

Coupures d’eau à Mayotte : une gestion coloniale de la crise climatique

Depuis le 17 juillet, dans le contexte d’une sécheresse historique, des habitants de Mayotte subissent des coupures d’eau quotidiennes, entre 16h et 8h du matin. Une privation violente, qui découle de la gestion coloniale de l’île par la France.

Raji Samuthiram

24 juillet 2023

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Coupures d'eau à Mayotte : une gestion coloniale de la crise climatique

Le 17 juillet, la préfecture à Mayotte a annoncé des coupures d’eau quotidiennes entre 16h et 8h du matin dans les grandes villes, alors que l’île est frappée par une sécheresse extrême, inédite depuis 1997. Dans les autres agglomérations, il y a trois coupures de 24 heures par semaine. Ces coupures devront durer jusqu’en décembre, et pourraient encore s’accentuer : Gilles Cantal, le préfet chargé de la crise d’eau à Mayotte, n’exclut pas à ce jour une coupure définitive de l’eau. Alors que de nombreux records de température sont enregistrés cet été, avec des chaleurs inédites ainsi que des catastrophes naturelles partout dans le monde, la situation à Mayotte rappelle la nécessité de s’attaquer à la crise climatique à sa racine impérialiste.

Une situation de souffrance généralisée en raison de la gestion coloniale

Les coupures d’eau sont courantes à Mayotte depuis 2016 Cette année, depuis le 12 juin, les habitants subissaient déjà des coupures de 17h à 7h. Dans le département, où le taux de pauvreté s’élève à près de 80%, l’accès à l’eau est déjà compliqué, le prix de l’eau étant nettement plus haut qu’en métropole, tout comme l’inflation. Alors qu’un tiers des logements recensés ne sont pas raccordés à un réseau d’eau courante de nombreux habitants décrivaient déjà une situation dramatique avant les coupures actuelles. « C’est la souffrance dans nos foyers quand il n’y a plus d’eau. À chaque coupure, les enfants pleurent », témoignait une habitante, mère de quatre enfants dans un bidonville du village d’Hamouro, auprès de France Télévision en juin. Alors que la pénurie d’eau se reproduit chaque année lors de la saison sèche, les capacités de production d’eau potable restent insuffisantes : les usines d’exploitation ne produisent que 35 000 mètres cubes d’eau par jour, pour une demande d’à peu près 40 000 à 42 000 mètres cubes quotidiennement. De plus, le réseau de distribution d’eau est fortement dégradé, en raison du manque d’investissement.

La situation à Mayotte, où on estime que 41 000 personnes n’ont régulièrement pas accès à des services de base d’eau potable, est également courante dans d’autres colonies françaises : en Guyane, 35 000 personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Les réseaux de distribution sont également dégradés en Martinique, où le taux de perte d’eau à cause des fuites s’élevait à 48% en 2019, et en Guadeloupe, où ce taux s’établit à 60,4% en moyenne et peut atteindre jusqu’à 80% dans certaines zones. Si l’inaccessibilité de l’eau frappe sérieusement la France hexagonale également, la situation est particulièrement tendue dans les dits départements d’outre-mers, comme l’ont souligné récemment la Cour des comptes ainsi que le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

Les élus ont promis des investissements à plusieurs reprises, à Mayotte comme ailleurs, qui trainent ou sont au point mort, comme l’extension de l’usine de dessalement de Petite-Terre, gérée par une filiale de Vinci, qui devait être mise en service à l’été 2022 mais n’opérera finalement pas avant la fin de cette année au plus tôt, selon les prévisions de la préfecture citées dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Un gel des prix des bouteilles d’eau, en place depuis le 15 juillet, est une mesure minimale qui ne répond pas à l’inaccessibilité de ces bouteilles pour de nombreux habitants, ni à la flambée des prix qui touche particulièrement le département. De fait, la privation d’eau frappe les territoires qui sont déjà lourdement impactés par les conséquences de la crise climatique en général, aggravées par l’appauvrissement dans lequel les maintient l’État français, puissance impérialiste qui cherche à garantir sa mainmise dans des régions stratégiques et son accès aux ressources premières, tels que le gaz dans le canal du Mozambique.

Faire face à l’impérialisme français et à la crise climatique

En cohérence avec sa gestion coloniale, le gouvernement continue de mettre en avant une réponse sécuritaire à tous les problèmes sociaux de l’île, notamment avec l’opération militaro-policière Wuambushu qui vise à expulser les sans-papiers et déloger les habitants des logements informels, dans le but de sécuriser les intérêts français dans la région. C’est dans ce sens que Darmanin avait affirmé au JT en juin que : « lorsque Mayotte retrouvera ce qu’elle est en train de retrouver grâce à cette opération, la maîtrise de sa démographie, ça ira mieux à l’école, ça ira mieux à l’hôpital, ça ira mieux pour consommer de l’eau, ça ira mieux pour tous les services publics. »

Interrogé par un député Insoumis ce mois-ci sur la canicule et le manque d’eau à Mayotte, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu a accusé la FI de ne s’intéresser qu’à la « température des émeutes. ». Régulièrement, le gouvernement agite le spectre de l’insécurité pour justifier ses politiques anti-sociales et écocides, quand il n’est pas en train de décorer le patron de TotalEnergies avec la légion d’honneur. Plusieurs élus de droite ont également profité de la crise de l’eau pour appuyer un discours xénophobe, tels que le député LR Mansour Kamadine ou la députée LIOT Estelle Youssouffa, qui se sont opposés à l’établissement de rampes d’eau publiques car celles-ci seraient accessibles aux immigrés sans-papier.

En effet, cette crise touche en premier lieu les plus pauvres, dans les quartiers où l’accès à l’eau est le plus difficile, à l’image des bidonvilles où vivent de nombreux Mahorais pauvres ainsi que des immigrés en situation irrégulière. Alors que les habitants des bidonvilles consomment en moyenne six fois moins d’eau que ceux des ménages mahorais classiques, les élus de droite et les militants des collectifs anti-immigration n’hésitent pas à associer les pénuries d’eau avec la présence des immigrés. L’État français n’entend pas proposer de solutions d’eau pour les habitants de ces « logements informels » et les personnes sans papiers, en particulier les Comoriens, qui sont déjà pourchassées par les politiques xénophobes du gouvernement notamment à travers l’opération d’expulsion et de délogement massif Wuambushu. Des centaines d’habitats ont déjà été rasés, dernièrement celles de cinq familles à Petite-Terre début juillet.

Pour faire face à la crise climatique, il est nécessaire d’aller à sa racine impérialiste, en faisant front contre le discours xénophobe et sécuritaire du gouvernement. Alors que les Etats impérialistes renforcent leurs frontières contre les futurs réfugiés climatiques, il faut dénoncer le pillage des colonies qui asservit les peuples et détruit la plantè. La construction d’une véritable politique écologiste ne peut passer que par la lutte contre l’impérialisme français et ses politiques autoritaires et sécuritaires d’exception dans les colonies, dont la gestion coloniale de l’eau à Mayotte sur fond d’opération Wuambushu est l’expression.


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