×

Entretien

Casse sociale à Sanofi : « des grèves massives sont nécessaires pour stopper les licenciements »

Le géant du médical Sanofi a annoncé un nouveau plan de suppression de 330 postes dans la R&D, portant le total à 1 200 postes supprimés sur 10 ans. Retour sur les conséquences de cette casse sociale avec Sophie*, travailleuse en alternance chez Sanofi.

Rafael Cherfy

10 mai

Facebook Twitter
Audio
Casse sociale à Sanofi : « des grèves massives sont nécessaires pour stopper les licenciements »

Crédit photo : X CGT Sanofi

Propos recueilli par Rafael Cherfy

RP : C’est le quatrième plan de destruction d’emplois de Sanofi dans la R&D en dix ans, portant le total à 1 200 suppressions d’emplois. Comment expliques-tu une telle casse sociale dans ce service ?

L’objectif réel de l’entreprise, c’est de générer des profits pour les actionnaires, ce n’est pas de développer des vaccins ou médicaments utiles à la population. C’est pour cela que Sanofi cherche à se concentrer sur quelques produits très rentables quel que soit leur importance pour la santé publique. Cette fois-ci, Sanofi abandonne sa branche d’oncologie. Autrement dit, la direction arrête la recherche de traitements contre le cancer puisque c’est moins rentable.

Dans la même idée, Sanofi se sépare de sa branche « Santé Grand Public » (concernant tous les médicaments sans ordonnance) et préfère investir dans des produits plus lucratifs : ceux vendus très chers à une clientèle aisée, sont très rentables. On se retrouve à chercher des vaccins contre l’acné ou d’autres maladies « mineures » de la peau. Des vaccins contre des maladies répandues et graves sont parfois trouvés, mais ils ne sont pas commercialisés, car pas rentables.

Pour maximiser les profits, Sanofi nous utilise comme marge de manœuvre, on est des simples chiffres pour la direction. Prochainement, le groupe pharmaceutique veut miser à fond sur l’intelligence artificielle (c’est mis en avant dans ses orientations stratégiques). Une technologie que la direction va surtout utiliser pour justifier de nouveaux licenciements plutôt que pour améliorer la qualité de nos conditions de travail.

RP : En tant qu’alternante, quelles sont les conséquences de ces licenciements sur un potentiel CDI chez Sanofi ? Au-delà des suppressions de postes, quelles sont vos conditions de travail chez Sanofi ?

À titre d’exemple, Sanofi embauche 1600 alternants chaque année, soit 6 % des effectifs. Ils cherchent à employer pour pas cher via l’alternance. La seule façon d’espérer signer un CDI, c’est de travailler pour Sanofi via une boîte de prestataire pendant plusieurs années. Certains restent 10 ans sans être embauchés.

Et avant même de parler de l’embauche, Sanofi exploite les alternants et leur confie des missions qui n’ont pas toujours de lien avec leurs études, avec très peu d’encadrement et d’explications. Sanofi a des clauses de confidentialité très exigeantes, si bien qu’ils manquent d’informations pour mener à bien leurs travaux d’alternance. Pour rédiger leurs rapports d’alternance, ils sont obligés de censurer diverses informations.

Pour ce qui est des conditions de travail en CDI pour d’autres collègues, on voit qu’il y a des charges de travail de plus en plus lourdes, liées aux licenciements, aux départs à la retraite non remplacés… Certains sont en burn-out. Au travail, l’ambiance est tendue. Des managers se permettent des remarques racistes, par exemple en assimilant faute d’orthographe et origine et en critiquant une tenue jugée trop large…

Plus largement, dans les différents postes, on voit que l’objectif de nos recherches est de diminuer les coûts, au détriment de la qualité. Cela n’est pas sans conséquences, des études cliniques sont parfois mal menées : en 2019, Sanofi a développé un vaccin contre la dengue qui a provoqué des morts, notamment aux Philippines où six responsables ont été inculpés par la justice. Concrètement, la direction détruit des emplois et sa course à la rentabilité se fait au détriment de la santé de la population.

RP : En 2023, Sanofi a distribué 4,7 milliards d’euros aux actionnaires, soit quasiment 90% du résultat net du groupe. Sanofi aurait donc largement les moyens de financer les emplois ?

Sanofi a eu un chiffre d’affaires de 43,07 milliards d’euros en 2023, elle est la quatrième plus grande entreprise pharmaceutique mondiale. Ce n’est pas un hasard si son président est Frédéric Oudéa, qui a précédemment dirigé la Société Générale. Le but de Sanofi est clairement de faire des profits à court-terme pour offrir un butin toujours plus important pour les actionnaires et la direction du groupe.

Bien sûr, tout cet argent pourrait être utilisé pour augmenter considérablement les salaires et améliorer les conditions de travail. Ces sommes considérables pourraient servir à embaucher massivement pour chercher et produire des vaccins et traitements contre de multiples maladies.

RP : Face à cette situation, quelles réponses faut-il opposer selon toi ?

Les syndicats ont initié un rassemblement mardi 30 avril au Siège Social. Je pense qu’il faut aller plus loin. Tout d’abord, le combat doit s’élargir à toutes les branches, car aucun emploi n’est pérenne. Des grèves massives seront nécessaires pour mettre un coup d’arrêt aux suppressions d’emplois.

Plus largement, la santé ne peut pas dépendre d’une direction qui ne pense qu’à faire toujours plus de profits pour répondre aux intérêts des actionnaires. À côté de ça, des gens meurent chaque jour alors qu’ils auraient pu être soignés. Ne pas donner des moyens conséquents à la recherche et ne pas développer des produits indispensables pour guérir certaines maladies tout en imposant des prix exorbitants sur d’autres : c’est criminel. Les possibilités pour guérir, et même éradiquer, diverses maladies sont grandes. Il faut que ça soit nous, les travailleurs, qui contrôlons l’industrie pharmaceutique pour diriger la recherche et le développement dans l’intérêt de la population.

*Le prénom a été modifié


Facebook Twitter
Jeux olympiques, salaires : vers une forte mobilisation des cheminots le 21 mai en Île-de-France

Jeux olympiques, salaires : vers une forte mobilisation des cheminots le 21 mai en Île-de-France

RATP CAP : 95 % des conducteurs de Wissous et du tramway T10 en grève pour les salaires

RATP CAP : 95 % des conducteurs de Wissous et du tramway T10 en grève pour les salaires

Grève à Radio France : quelles suites après la journée réussie du 12 mai ?

Grève à Radio France : quelles suites après la journée réussie du 12 mai ?

La condamnation de Safran pour homicide involontaire confirmée en appel : une victoire pour les ouvriers

La condamnation de Safran pour homicide involontaire confirmée en appel : une victoire pour les ouvriers

Pour la réintégration de Christian Porta : soyons nombreux vendredi 24 mai devant l'usine à Folschviller !

Pour la réintégration de Christian Porta : soyons nombreux vendredi 24 mai devant l’usine à Folschviller !

Grève victorieuse : les pompiers de la raffinerie de Grandpuits font plier Total !

Grève victorieuse : les pompiers de la raffinerie de Grandpuits font plier Total !

Lutte pour les salaires à Capgemini : une grève qui envoie un signal à l'ensemble du secteur

Lutte pour les salaires à Capgemini : une grève qui envoie un signal à l’ensemble du secteur

Répression : 9 soignants en GAV après s'être mobilisés contre la fermeture des urgences de Carhaix

Répression : 9 soignants en GAV après s’être mobilisés contre la fermeture des urgences de Carhaix