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Apartheid de l’eau

Accès à l’eau : une arme utilisée par Israël contre le peuple palestinien

Alors que le nettoyage ethnique continue en Palestine, le blocus de l’eau organisé par Israël menace d’une crise supplémentaire. Cette situation est la poursuite de l’utilisation coloniale de la gestion de l’eau par Israël pour assurer sa domination en Palestine et dans la région.

Elea Novak

16 novembre 2023

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Accès à l'eau : une arme utilisée par Israël contre le peuple palestinien

Crédits photo : Révolution Permanente

Dès le début de son offensive militaire, Israël a mis en place d’un blocus sur la bande de Gaza, ce qui lui a permis de couper les approvisionnements de ressources primaires en seulement quelques jours. Aujourd’hui le manque d’eau, d’électricité et de nourriture, causé par ce blocus, provoquent des famines, des risques de crise épidémique et des coupures Internet. Une situation de crise humanitaire dénoncé par l’ONU notamment vis-à-vis des conséquences de la privation d’eau alors que la consommation totale journalière des gazaouis a chuté à 3 litres d’eau par jour, à titre de comparaison la consommation d’une personne en France est de 149 litres d’eau par jour. Certains gazaouis sont donc obligés de consommer de l’eau saumâtre extraite de puits agricoles, une eau à forte teneur en sel, très toxique.

Cette situation est la conséquence de la mainmise totale d’Israël sur les ressources de la région, construite depuis des années à partir des politiques colonisatrices et d’apartheid. En effet, 85% des eaux palestiniennes sont d’ores-et-déjà contrôlées par Israël.

Le contrôle de l’eau, un chaînon essentielle de la colonisation Israélienne

Au sein de la bande assiégée, la situation est critique avec des pénuries d’eaux épisodiques depuis une dizaine d’années. Alors que le minimum recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé est de 100L d’eau par jour, un Palestinien ne consomme qu’entre 70 et 85L d’eau chaque jour, un faible niveau comparé aux 300L d’eau consommés quotidiennement par un israélien.

Par ailleurs, la plus grande source d’eau de Gaza, un aquifère (ensemble de roches perméables), se détériore, contaminée en grande partie par les eaux usées. Ainsi, 97% de l’eau à Gaza est considérée impropre à la consommation humaine, responsable de plus d’un quart des maladies à Gaza et d’une explosion des prix de l’eau, représentant jusqu’à un tiers des revenus gazaouis, vendus par des livreurs, possédant des petites unités de dessalement. Face à cette situation, Muhamed Shehada, responsable des programmes et des communications de l’ONG Euro-Med Monitor, déclarait en octobre 2021 : « Des civils enfermés dans un bidonville toxique de la naissance à la mort sont forcés d’assister à l’empoisonnement lent de leurs enfants et de leurs proches par l’eau qu’ils boivent et par le sol dans lequel ils cultivent, indéfiniment, sans aucun changement en vue ».

Par ailleurs, le gouvernement israélien empêche également aux palestiniens de construire des systèmes d’eaux et d’épuration depuis des années. En effet, depuis 1967, les ordres militaires israéliens font loi dans les territoires palestiniens occupés, à partir d’un contrôle militaire et du COGAT (Coordinator of Government Activities in the Territories), une institution réactionnaire née des accords d’Oslo. En effet, de façon quasi systématique, le COGAT rejette tout projet visant à moderniser les infrastructures palestiniennes. A l’inverse, les projets israéliens sont validés et dotent Israël d’infrastructures ultra-modernes, qui lui permettent à la fois de désaliniser suffisamment d’eau pour toute sa population, mais aussi de s’accaparer la moindre goutte d’eau des sources palestiniennes.

Du contrôle militaire à l’empêchement intentionnel de développement du réseau d’eaux palestiniens, l’État d’Israël mène à partir de l’eau une politique d’apartheid qui force les Palestiniens consciemment à boire de l’eau toxique. Cela est la traduction exacerbée d’une forme de racisme environnemental dont les conséquences engendrent une domination économique et une oppression sans commune mesure sur la population palestinienne.

Une gestion coloniale vecteur de domination économique

En plus de l’accaparement, un des enjeux centraux de la colonisation israélienne a été de détruire l’indépendance économique en Cisjordanie et donc de s’attaquer aux ressources marchandes palestiniennes. En effet, la fertilité de la vallée a fait de l’agriculture un pilier économique de la région, représentant jusqu’à 25% du PIB palestinien et 40% des emplois palestiniens dans les années 90.

Un travailleur palestinien, Haj Mohammed, dont les terres ont été volées il y a deux ans raconte à The Guardian que « C’est facile de voir où les colons se sont installés. Vous voyez les oliveraies derrière les cyprès ? [...] Ce sont nos terres, mais ce n’est pas nous qui les cultivons. Vous voyez comme les arbres sont rapprochés ? C’est parce que les colons ont accès à l’eau, et donc à un bon système d’irrigation. Nos arbres, eux, sont plus écartés, et ne poussent pas bien alignés. »

Sa situation témoigne de la politique coloniale d’Israël, qui consiste à confisquer les terres des Palestiniens, accaparer l’eau disponible, et empêcher le peuple palestinien d’être autonome économiquement et alimentairement. Les ordres militaires israéliens ont également rendu impossible pour les Palestiniens de planter certaines cultures sans approbation préalable du gouvernement israélien. Ces ordres concernent les aliments les plus communs : tomates, aubergines, pommes de terre… Même les cultures des plantes natives de la région, qui peuvent survivre un climat aride, telles que les palmiers à date et les oliviers ont subies des attaques des colons israéliens. On estime que plus d’un million d’oliviers ont été arrachés par les colons depuis 1967, et ces derniers attaquent parfois les travailleurs des oliveraies.

Avec de nombreuses descentes armées dans les villages, les colons détruisent les moyens de subsistance des palestiniens, en perçant leurs réservoirs d’eau, ou en les fusillant. Cette terreur menée et cette violence des colons envers les Palestiniens, qui se sont accrues ces dernières années, est accompagnée d’une violence systémique de l’Etat d’Israël. Récemment, une vidéo a montré par exemple l’organisé par les autorités israéliennes du bétonnage d’une source d’eau d’un agriculteur sur ses propres terres. A l’inverse, les Israéliens puisent à volonté dans les ressources d’eau de la Cisjordanie.

Parallèlement, l’armée israélienne pulvérise sur des cultures palestiniennes des pesticides 10 fois plus concentrés que les quantités autorisées pour ralentir la production et détruire à long terme la fertilité des sols, lorsqu’elle ne noie pas volontairement des terres agricoles palestiniennes à Gaza.

De la gestion coloniale de l’eau à la destruction économique du secteur agricole, l’Etat israélien fait donc régner un climat de terreur et de prédation, dépassant la question de l’accaparement de ressources mais un des signes les plus forts de l’apartheid. Alors que le mouvement de solidarité palestinien se construit à travers le monde, le mouvement écologiste doit participer à la lutte anticoloniale et montrer que celle-ci s’appuie sur les mécanismes écocides d’accaparement des ressources et le racisme environnemental. Comme l’expliquait Greta Thunberg « en tant que mouvement pour la justice climatique, nous devons écouter les voix de ceux qui sont opprimés et de ceux qui luttent pour la liberté et la justice »


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