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Salaires et conditions de travail

À la SNCF, le ras-le-bol se généralise et les appels à la grève se multiplient

Après des négociations salariales jugées insuffisantes par les cheminots et un mépris constant de la direction de la SNCF à l'approche des JO, les conflits dans différents métiers du chemin de fer se multiplient. Le mois de février pourrait voir les grèves s’étendre comme une traînée de poudre.

Anna Ky

6 février

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À la SNCF, le ras-le-bol se généralise et les appels à la grève se multiplient

Crédits photo : Poudou99

À la SNCF, dans tous les corps de métier, un florilège de demandes de concertation immédiate (DCI, un passage obligé avant le dépôt d’un préavis de grève) avec la direction déposées par les syndicats fait état du mal-être général. Qu’il s’agisse des agents de maintenance, des aiguilleurs, des conducteurs ou des contrôleurs, chacun se voit impacté par l’inflation avec un salaire qui ne suit pas, avec des conditions de travail qui se dégradent par des techniques managériales de plus en plus agressives, des amplitudes horaires et une charge de travail qui augmentent, ainsi qu’un mépris assumé de la direction pour les agents.

« Quand je suis entré dans la boîte il y a plus de 20 ans, le salaire d’un mécano en fin de carrière était équivalent à trois SMIC » nous explique un conducteur. « Je m’étais dit que ça valait tous les horaires décalés, le manque de sommeil, la pénibilité du travail… En plus, on faisait un métier qui était reconnu socialement, un métier utile. Aujourd’hui, mon salaire n’équivaut même pas à deux SMIC, mes semaines sont bien plus chargées, et la direction nous méprise ». Ce mal-être généralisé s’est donc traduit par des DCI qui ont abouti sur des préavis de grève pour presque chaque métier d’exécution. Les précurseurs ont été les agents de maintenance, dans les technicentres TGV, qui s’organisent depuis des semaines dans une coordination impulsée par SUD-Rail. Après une journée de débrayages massifs le 9 janvier qui a agi comme un coup de semonce envers la direction, une grève reconductible avait commencé à se préparer dans les technicentres à partir du 6 février, avec 70% d’agents qui s’étaient déclarés grévistes dans la maintenance TGV.

Face à cette massivité incontestable, la direction s’est vue obligée de faire des propositions avant même que la grève ne commence, notamment concernant les indemnités de nuit, qui ont finalement conduit à la levée du préavis de grève. Certains secteurs étaient favorables au maintien du préavis et de la grève, considérant que le rapport de force mis sur la table, avec des taux de grèves importants, aurait permis d’arracher bien plus qu’une revalorisation de certaines indemnités. En effet, par la simple menace d’une grève massive, les agents de maintenance ont réussi à effrayer la direction à l’approche des vacances d’hiver et des jeux olympiques. Comme nous l’écrivions précédemment, « le principal motif de la colère porte sur la rémunération, dans un contexte où les cheminots des technicentres ont les plus bas salaires de l’entreprise et des primes au rabais, alors même que la SNCF enregistre des profits record (plus de 2 milliards en 2022) et que l’inflation mine l’ensemble des salariés ». Pourtant, lors des dernières négociations salariales (les NAO de novembre 2023), la direction de la SNCF a annoncé une augmentation générale ridicule de 1,8 % ».

Du côté des agents du service commercial trains (ASCT, ou contrôleurs), un préavis a été déposé conjointement par le CNA (Collectif National des ASCT) et SUD-Rail pour le week-end du 16 et 17 février, en pleines vacances scolaires. En effet, après les grèves impressionnantes des contrôleurs au moment des fêtes à l’hiver 2022, la direction n’a aucunement respecté ses engagements envers les grévistes concernant la rémunération et les conditions de travail. De leur côté, les agents circulation (les aiguilleurs) ont déposé un préavis de grève via SUD-Rail pour le week-end du 23 et 24 février, et les agents de conduite préparent aussi un week-end de grève au cours des prochaines semaines, sur des revendications similaires propres à leurs métiers.

Ainsi, l’émergence de ces différents conflits propres à chaque métier de la SNCF est l’expression d’un ras-le-bol qui se généralise, à l’approche des Jeux olympiques et de l’ouverture à la concurrence dans plusieurs régions, et aboutissent parfois à des victoires partielles. Pour autant, ces grèves sectorielles montrent aussi leurs limites puisqu’il est facile pour la direction de diviser pour mieux régner, et tenter de répondre aux revendications les plus minimales de certains secteurs afin d’endiguer la colère, sans jamais mettre sur la table des réponses aux problématiques d’ensemble comme les salaires. Il s’agit également d’une autre limite de ces conflits, conçus plutôt comme des « grèves de pression », c’est-à-dire des mouvements qui visent à faire pression sur la direction avec un dépôt massif de déclarations individuelles de grève bien en amont de la date de grève prévue, afin que la direction fasse des propositions minimales concernant certaines revendications sectorielles. Le problème est que la direction a pris l’habitude de faire du chantage, en mettant la levée du préavis de grève comme condition à l’octroi de ces propositions minimales. Un mécanisme dangereux qui finit par déposséder les cheminots grévistes de leur propre mouvement.

Dans ce contexte, et alors que l’ensemble des préavis de grève déposés sont axés autour des mêmes revendications – une augmentation des revenus, une amélioration des conditions de travail et une valorisation de chaque métier – il est nécessaire d’établir un plan de bataille coordonné entre les différents métiers de la SNCF et une stratégie commune pour obtenir de vraies avancées. Dans le contexte d’inflation et de mépris de la direction, la revendication commune d’une augmentation des salaires de 400 euros nets pour toutes et tous et leur indexation sur l’inflation, ainsi que des embauches massives pour diminuer la charge de travail, serait un premier pas pour que les cheminots voient leurs conditions de vie et de travail s’améliorer pour de bon. La direction de la SNCF et le gouvernement savent très bien que les Jeux olympiques n’auront pas lieu sans les cheminots et tout le travail préparatoire des JO qui est fait par les cheminots à l’heure actuelle est une véritable fenêtre de tir qu’il ne faudrait pas gaspiller. Il est donc indispensable de discuter et se coordonner à la base, au-delà des étiquettes, syndiqués et non syndiqués, afin de construire un mouvement d’ensemble et de s’organiser pour obliger la direction à répondre aux revendications légitimes sur les salaires et les conditions de travail.


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