Meeting Anasse Kazib 2022

« Une véritable "transition écologique" impliquerait d’exproprier les capitalistes » Adrien Cornet

Adrien Cornet, CGT Total Grandpuits

« Une véritable "transition écologique" impliquerait d’exproprier les capitalistes » Adrien Cornet

Adrien Cornet, CGT Total Grandpuits

Adrien Cornet, travailleur de Grandpuits et militant CGT et Révolution Permanente, intervenait au grand meeting de lancement de la campagne d’Anasse Kazib mercredi 20 octobre. L’occasion de revenir sur l’actualité du réchauffement climatique et de la destruction de la planète par les capitalistes et la nécessité d’une lutte révolutionnaire pour récupérer des mains des patrons le contrôle de nos outils de travail.

Je m’appelle Adrien Cornet, je suis raffineur, délégué syndical CGT mais également militant à Révolution Permanente. Je suis très fier d’être là aujourd’hui pour nôtre campagne, la vôtre aussi je l’espère, celle d’Anasse.

L’élévation de la température de l’air et de l’océan, la fonte des glaciers ou la hausse du niveau des mers se poursuivent à une vitesse et une ampleur sans précédent dans l’histoire de la planète. Au Canada dans un pays du Nord, cet été, il a fait plus de cinquante degrés. Les canicules, les sécheresses, les incendies, les méga feux en Grèce, en Turquie, en Algérie et dans le sud de la France nous ont rappelé à quel point le réchauffement climatique est une actualité

La famine de cet été à Madagascar, reconnue par l’ONU comme conséquence du réchauffement climatique, a plongé plus d’un demi-million d’enfants de moins de cinq ans dans la malnutrition. Le réchauffement climatique est déjà d’une extrême violence pour les pays du Sud alors que l’Afrique de l’ouest et la région méditerranéenne connaissent des sécheresses à répétition.

Si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent à leur rythme actuel, la montée des océans pourrait attendre le mètre supplémentaire et plus de 300 millions de personnes seraient menacées d’inondations, particulièrement en Asie. Des îles entières vont disparaitre d’ici 2050. C’est demain.

Il faut empêcher la destruction de la planète, le constat nous l’avons fait depuis longtemps. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour le dire dans les manifestations Youth for Climate et les marches pour le climat. A Paris nous étions encore plus de cinquante mille il y a peu.

Marx voyait déjà une incompatibilité fondamentale entre la production durable et le capitalisme, il expliquait cela à partir de l’analyse de l’épuisement des sols par l’agriculture capitaliste. Concurrence, brevets, obsolescence programmée, surproductions : le capitalisme n’est pensé que pour générer des profits pour les patrons, il n’est pas pensé pour répondre aux besoins des personnes. C’est un système basé sur une croissance infinie alors que les ressources de la planète sont elles belles et bien finies.

L’une des solutions avancées par le GIEC pour ralentir le réchauffement climatique serait de sortir des énergies fossiles. Seulement sortir des énergies fossiles, réorganiser les transports, prendre les mesures radicales dont nous avons besoin n’exige pas moins qu’une révolution. Car ce n’est pas l’humain ou l’activité individuelle qui accélère le réchauffement climatique et qu’on pourrait transformer, mais bien le système capitaliste dans son ensemble qui menace la vie sur terre. Dans ce cadre, la Loi climat, les Convention citoyenne, et toutes les mesures visant à une régulation du capitalisme, constituent une impasse stratégique.

La COP26 à Glasgow au mois de novembre sera une nouvelle mise en scène des patrons et des états à leur service qui vont collectivement faire semblant de se préoccuper du climat tout en faisant perdurer un système qui détruit cette même planète. Macron, comme la plupart des gouvernements capitalistes et les nombreux partis verts, nous promet une transition écolo main dans la main avec les entreprises.

Pourtant celles-ci sont conscientes de l’enjeu climatique. Seulement, elles luttent pour défendre leurs profits à tout prix. C’est le cas de Total dont on apprenait aujourd’hui qu’elle savait depuis 1971 les effets désastreux sur le climat de ses activités, mais qu’elle avait tout fait pour nier le réchauffement climatique en commandant des études en ce sens.

A Grandpuits nous avons été directement confrontés à un projet de greenwashing de Total. Depuis plusieurs années, Total ferme ses raffineries en France pour les délocaliser dans d’autres pays. Après Flandres, La Mède, ce fut le tour de Grandpuits en 2021. Total nous a annoncé un “Projet Galaxie” qui consiste à transformer notre raffinerie en doublant la rentabilité de l’usine, pour produire de l’agrocarburants et de l’agro plastic à base d’huiles végétales pour l’un et de sucres pour l’autre.

Face à cette mascarade écologique on a mené une grève de 45 jours. Une grève auto-organisée, structurée autour d’un comité de grève et d’assemblées générales qui prenaient toutes les décisions démocratiquement du début à la fin du conflit.

Dans ce cadre on a notamment pointé comment le prétexte écolo était utilisé pour détruire nos emplois. Le projet Galaxie est en effet une aberration écologique quand on sait que la production d’agrocarburants et d’agroplastic occupe d’énorme surfaces de terres dont on manque cruellement pour produire une nourriture bio et saine pour nos enfants. Je salue au passage le combat de Fatima Ouassak à Bagnolet avec nos camarades d’Alternatiba qui lutte pour que les enfants des quartiers populaires aient de la nourriture bio dans leurs cantines.

Surtout que Total développe d’autres projets polluants en exportant son activité dans des pays où les normes sont inférieures. Par exemple, en Ouganda où ils font construire un pipeline de 1500 kms au milieu des parcs naturels privant des milliers de familles de leurs terres et de leur seul moyen de subsistant et détruisant la faune et la flore au rythme des passages de bulldozers.

Cette lutte contre la destruction des emplois nous l’avons menée au sein d’une alliance inédite entre des travailleurs de la Pétrochimie et des organisations écologiques comme les Amis de la Terre et Greenpeace. Avec eux nous avons pu démonter le discours de Total, mais aussi réfléchir à ce que serait une autre transition écologique.

Dans le cadre de cette lutte on a prouvé que les travailleurs, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, avaient eux aussi et en premier lieu intérêt à la transition écologique. Parce que les ouvriers sont les premiers impactés par la pollution de leur usine, nous habitons près de nos raffineries, nous en respirons les fumées, nous nous baignons dans les rivières qui reçoivent les eaux usées de nos usines.

Rappelons comme le disait Marx que le travailleur est d’abord et avant tout guidé par l’aiguillon de la faim. Aucun d’entre nous raffineurs ou travailleurs des centrales nucléaires n’avons choisi avec enthousiasme de faire les trois huit et de respirer du carburant ou de risquer notre vie à chaque instant. Nous avons fait ce choix pour nous éloigner de la précarité, mais nous aussi avons intérêt à en finir avec les industries polluantes.

C’est pour cette raison que l’on défend l’idée que la transition écologique devra se faire avec les travailleurs au centre, et sous contrôle ouvrier.

Dans le cas des raffineries, en attendant d’en finir avec les énergies fossiles, produire sous contrôle ouvrier permettrait de réduire les dégâts écologiques. Par exemple, lors d’un défaut de maintenance entraînant un rejet Air/Eau plutôt que de vouloir à tout prix continuer à faire tourner la machine à profit quitte à polluer comme le fait le patronat, nous arrêterions l’outil de travail et nous ferions en sorte de ne pas polluer.

Encore une fois, la façon de produire et donc l’impact sur la nature dépend de qui dirige les moyens de production. C’est le cas dans les sites pétrochimiques mais aussi dans les transports, les centrales nucléaires, etc…

Une transition ouvrière va à l’encontre du capitalisme vert que la classe politique nous promet. Au mois d’août Macron exigeait dans un tweet « un accord à la hauteur de l’urgence » pour la COP26 à Glasgow. Mais dans le même temps, il est un des meilleurs soutiens du Projet de Total en Ouganda auprès du Président Ougandais.

C’est notre lutte qui inspire le programme écologique que nous porterons dans la campagne d’Anasse : un programme révolutionnaire qui tire les leçons de Grandpuits. Les capitalistes détruiront la planète plutôt que remettre en cause leurs profits et par-là nous condamnent... Nous avons besoin de mesures radicales qui remettent les travailleurs au centre.

A Révolution Permanente, nous sommes convaincus que la classe ouvrière est la seule capable de mener une véritable transition écologique aux côtés de nos alliés, des militants des organisations écologiques, des ingénieurs qui sont convaincus que ce n’est pas avec des taxes aux frontières ou en verdissant le capitalisme que l’on va sauver la planète.

« Le capitalisme détruit la planète, alors il va falloir détruire le capitalisme ». Dans ce cadre, il est urgent d’exproprier les capitalistes, de leur arracher les moyens de production. On ne peut pas leur laisser les leviers de l’économie avec lesquels ils ne pensent qu’au profit et ce en particulier dans les secteurs stratégiques : énergie, transports, qui sont clés pour la transition. Cela doit se faire sous contrôle ouvrier. Nous n’avons aucune confiance dans leur Etat qui a démantelé EDF, privatisé le rail, …

Un tel programme ne pourra s’imposer que dans la lutte de classe pour récupérer le contrôle de nos outils de production. Cette lutte révolutionnaire, on doit la mener aux côtés des écolos, de la jeunesse, et de l’ensemble de ceux qui subissent les conséquences néfastes du système capitaliste. C’est ce message là qu’on veut porter dans la présidentielle.

Par ailleurs, dans une campagne présidentielle marquée par le souverainisme, le nationalisme, notre campagne présidentielle veut porter la nécessité d’une transition écologique qui se veut internationaliste et anti impérialiste. La pollution c’est comme le nuage de Tchernobyl, elle ne s’arrête pas aux frontières.

Notre solidarité de classe non plus : les travailleurs de Petrobras au Brésil nous ont apporté leur soutien en dénonçant le Greenwashing de Total qui rachetait toutes les concessions pétrolières parce qu’ils ont les mêmes intérêts que nous en tant que travailleurs, celui de nourrir leur famille en protégeant notre environnement et la planète sur laquelle on vit. Partout dans le monde, en Ouganda, au Mozambique au Brésil, en France et ailleurs, les travailleurs, la jeunesse et les militants écolos doivent construire ensemble un rapport de force pour leur arracher les moyens de production.

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