×

Xénophobie

Expulsion forcée des migrants vers le Rwanda : la loi adoptée en deuxième lecture au Royaume-Uni

Le parlement britannique a validé mercredi soir le projet de loi du premier ministre Rishi Sunak visant à expulser en masse les migrants vers le Rwanda. Malgré une loi déjà particulièrement xénophobe, le premier ministre a dû faire face à une fronde de l’aile droite de son parti, qui souhaite encore plus la durcir.

Arsène Justo

19 janvier

Facebook Twitter
Audio
Expulsion forcée des migrants vers le Rwanda : la loi adoptée en deuxième lecture au Royaume-Uni

Crédit photo : Gouvernement Britannique, Open government licence

La UK and Rwanda Migration and Economic Development Partnership, qui avait été votée en première lecture le 12 décembre 2023, vient d’être adoptée en deuxième lecture par la Chambre des communes britannique, à 320 voix pour et 276 contre. Cette dernière, qui prévoit notamment l’expulsion massive des demandeurs d’asile britanniques vers le Rwanda en échange d’aides économiques et diplomatiques, devra ensuite passer devant la Chambre des Lords, dominée par l’aile droite du parti conservateur.

Comme nous le rappelions dans un précédent article, la loi est défendue par le Premier Ministre Rishi Sunak comme « la loi la plus dure jamais adoptée contre l’immigration illégale ». Elle présente en effet de nombreuses clauses particulièrement violentes et réactionnaires et a dû faire face aux oppositions successives de plusieurs institutions judiciaires - notamment de la Cour Suprême britannique et de la Cour européenne des Droits de l’Homme - entre sa première ébauche en avril 2022 et aujourd’hui.

Une loi profondément violente qui s’appuie sur un projet xénophobe plus large du gouvernement britannique

Pour rappel, le plan d’expulsion vers le Rwanda que devrait permettre la première mouture de la loi s’appuie sur un accord entre ce dernier et le Royaume-Uni, qui a permis au pays africain de recevoir 240 millions de livres sterling et un soutien diplomatique non-négligeable dans le cadre de son invasion de l’est de la République démocratique du Congo, une invasion qui a déjà fait des milliers de morts.

La nouvelle mouture votée mercredi soir devrait permettre aux ministres de ne pas appliquer les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait bloqué une première tentative de déportation en juin 2022. Le texte avait été à nouveau repoussé en décembre 2022 alors que les cas de 8 demandeurs d’asiles censés être expulsés étaient réexaminés, puis elle avait été retoquée le 29 juin 2023 par la Cour Suprême britannique, avec comme explication que le Rwanda n’était pas « un pays tiers sûr », une décision confirmée en appel en novembre. C’est à l’issue de cette succession de rebondissements que la loi, réécrite pour correspondre aux exigences de la Cour, a été présentée au parlement et votée une première fois mardi 12 décembre.

Les conséquences s’annoncent gravissimes : des milliers d’immigrés, jugés « illégaux », seront déportés vers le Rwanda, à des milliers de kilomètres du Royaume-Uni et de leurs pays d’origine. Ils vont y subir des conditions d’accueil extrêmement dures : 40% de la population rwandaise vit sous le seuil de pauvreté, tandis que les exécutions extrajudiciaires et le recours à la torture y sont récurrents. Par ailleurs, d’après le Monde, de nombreuses associations accusent le gouvernement de « parquer les indésirables, notamment les mendiants, les enfants des rues et les prostituées, dans des centres de détention ». En mai, le Guardian, détaillait l’objectif du gouvernement d’expulser plus de 3000 personnes par mois grâce au projet de loi, dès janvier 2024.

Cette nouvelle loi incarne par ailleurs le point culminant d’une série de mesures meurtrières du gouvernement britannique à l’encontre des migrants, entre autres : l’utilisation de « machines à vagues » dans la Manche, l’exclusion des « migrants illégaux » des protections contre l’esclavage moderne, la tentative d’envoyer les migrants dans des « centres offshores » en Papouasie-Nouvelle-Guinée, sur les îles de l’Ascension et de Sainte-Hélène ou encore dans des centres « flottants » à bord de ferries hors d’usage en mer ou à bord de véritables prisons flottantes comme le « Bibby Stockholm » cet été, mais aussi le relèvement de 47% du salaire minimum requis pour obtenir un visa de travail, l’interdiction du regroupement familial pour les travailleurs de la santé et les étudiants et la hausse drastique (de 66%) du coût de la santé pour les étrangers.

La crise du parti conservateur en toile de fond

Le cheminement législatif de la loi n’est pour autant pas encore complètement clos. Le premier ministre britannique fait en effet face à la fronde de l’aile johnsonniste de son parti, qui aimerait que la loi votée hier soit encore plus radicale et s’affranchisse encore plus des considérations en termes de droits humains. S’ils n’ont finalement été que 11 à s’opposer à la loi au moment du vote, ils étaient une soixantaine à menacer de le faire les jours précédents. L’aile droite du parti avait ainsi présenté une série d’amendements visant à durcir le texte, notamment contre les droits de recours en justice pour les migrants. Le député Bill Cash avait par exemple proposé un amendement censé « [garantir] que le droit britannique et international ne puisse pas être utilisé pour empêcher ou retarder l’expulsion d’une personne vers le Rwanda ». Face aux rejets successifs de ces amendements par le parlement, deux vice-présidents du parti, Lee Anderson et Brendan Clarke-Smith, avaient démissionné mardi. Le feuilleton au sein du parti conservateur n’est pas encore terminé, alors que la loi doit désormais être présentée à la Chambre des Lords, où l’aile droite du parti est encore plus puissante qu’à la Chambre des communes.

Un cheminement qui pourrait annoncer un nouveau durcissement du texte et qui s’inscrit dans une surenchère xénophobe en Europe. Entre la Loi immigration de Darmanin en France, l’accord italo-albanais, les six projets d’accords allemands d’externalisation des demandes d’asile en Afrique ou tout simplement le « Pacte immigration », « l’Europe forteresse » n’a jamais aussi bien porté son nom. De quoi poser plus que jamais l’urgence d’une riposte. De l’air, de l’air, ouvrez les frontières !


Facebook Twitter
Interview d'une étudiante de Columbia : « les campements doivent s'étendre à l'ensemble du pays »

Interview d’une étudiante de Columbia : « les campements doivent s’étendre à l’ensemble du pays »

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l'occupation de Columbia enflammait les campus américains

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l’occupation de Columbia enflammait les campus américains

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu'à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu’à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l'université publique contre Milei

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l’université publique contre Milei