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A quoi joue Berger ?

Retraites : Laurent Berger prêt à abandonner la bataille en cas de vote au Parlement

Alors que l’urgence est à élargir et construire la grève reconductible, la direction de la CFDT, qui dirige l’intersyndicale, a déjà annoncé qu’elle rendra les armes dans le cas où la procédure parlementaire s’achèverait par un vote de la réforme des retraites.

Gabriel Ichen

15 mars 2023

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Le mouvement contre la réforme des retraites est dans une phase décisive à l’heure où le projet de réforme est en passe de passer au Parlement (que ce soit par vote ou par 49-3) ce jeudi 16 mars, après la commission mixte paritaire de ce mercredi. Pourtant, depuis plusieurs jours, Laurent Berger numéro 1 de la CFDT aujourd’hui à la tête de l’intersyndicale laisse entendre que la direction de la CFDT pourrait abandonner la bataille si la loi est votée.

En cas de vote de la réforme, Berger appelle à rendre les armes

Dans une interview donnée au Journal du Dimanche le 12 mars, Laurent Berger, interrogé sur les suites qui seraient données au mouvement contre la réforme des retraites, a affirmé que si la loi venait à être votée ce jeudi 16 mars : «  si le Parlement vote le texte, mais c’est loin d’être fait, il faudra en prendre acte ». Le lendemain, dans un entretien à Alternatives Économiques, le secrétaire général poursuit « [S’il y a un vote] cela ne voudra pas dire que tout est fini, mais il faudra trouver d’autres voies pour poursuivre la contestation ».

Le soir même chez Mediapart, Yvan Ricordeau, secrétaire nationale de la CFDT en charge des retraites confirme : « s’il y a un vote il faut reconnaitre qu’il y a une légitimité démocratique. On reste responsable et réformiste ». Même son de cloche du côté d’autres secteurs de l’intersyndicale comme la CFE-CGC, dirigée par François Hommeril, qui a expliqué : « si le gouvernement va au vote et si le vote est favorable à la loi, on va considérer qu’une séquence se referme ».

Ces déclarations confirment l’orientation de la centrale qui dirige actuellement l’intersyndicale : « si la réforme passe au Parlement, rentrez chez-vous ! ». Une logique scandaleuse : face à une réforme imposée par les pires manœuvres anti-démocratiques, la légitimité est dans la rue et dans le rejet massif de la réforme par les travailleurs et la population qui se sont mobilisés massivement depuis le 19 janvier ! Une orientation cohérente avec la stratégie de l’intersyndicale depuis le début du mouvement, qui n’a jamais cessé d’avoir comme seul objectif de mettre la pression sur les parlementaires de la droite LR et de la majorité, mais qui nous condamne à la défaite.

En effet, l’histoire a montré qu’une réforme, même votée par le Parlement comme le CPE, pouvait être retirée sous la pression de la rue. Mais cela implique de rompre avec une logique institutionnelle qui continue de prévaloir et de construire le rapport de forces par la grève et dans la rue. C’est précisément ce que l’intersyndicale refuse jusqu’ici de faire, comme le soulignaient nombre de grévistes lors du meeting pour la grève générale du Réseau pour la grève générale ce lundi.

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Et en cas de 49-3 ?

Interrogé également sur le second scénario, probable, qui verrait le gouvernement faire passer en force le projet de réforme via l’article 49-3, Laurent Berger tombe d’abord dans le déni et la crédulité la plus totale : « la Première ministre ne veut pas du 49-3. Elle l’a dit. Il n’y a donc pas de raison que le gouvernement le fasse […] adopter cette réforme grâce au 49-3 est impossible ». Avant de concéder au sujet du 49-3 : « j’ai toujours respecté les outils démocratiques. Cela ne serait évidemment pas illégal ».

Le numéro 1 de la CFDT se contente de dénoncer « un vice démocratique » en cas d’utilisation du 49-3 auquel « l’intersyndicale propose une voie de sortie : que le gouvernement lance très vite une consultation citoyenne sur l’article 7 ». Autrement dit, même en cas de 49-3 la direction de la CFDT prend le chemin de la démobilisation et s’en remettrait au mieux à des mécanismes institutionnels illusoires comme le « référendum d’initiative partagée » et à des recours au conseil constitutionnel, tout en qualifiant le 49-3 d’« outil démocratique. »

Du côté de Philippe Martinez, s’il affirme qu’il faudra maintenir la mobilisation quel que soit le scénario (vote ou 49-3), en attendant le dénouement parlementaire c’est le suivisme de la CFDT qui prime du côté de la direction confédérale de la CGT. Alors que l’issue de la procédure parlementaire de la réforme est déjà jouée et que la loi passera au Parlement quoi qu’il arrive, la direction de la CGT continue en effet de refuser de construire résolument la grève reconductible et de l’élargir.

Même après le passage au Parlement, la victoire est possible à condition d’élargir et durcir le mouvement dès maintenant

Un sondage Elabe pour BFM TV notait ce mercredi 15 mars que 62 % de la population veut rester mobilisée après le passage de la loi au Parlement, qu’il s’agisse d’un vote ou d’un passage en force par 49-3. Ce nouveau chiffre d’opinion montre que la détermination de se battre jusqu’au bout pour gagner contre le gouvernement est toujours intacte après plusieurs semaines de mobilisation. C’est également la preuve que, à la base, contrairement à ce qu’affirme les directions syndicales, il est clair que le combat ne se situe pas au parlement mais bien dans la rue et la grève et qu’il faudra le poursuivre peu importe les modalités du passage de la réforme au Parlement.

Pour gagner, il y a donc urgence à dépasser le plan de l’intersyndicale et exiger un plan de bataille gagnant. Jusqu’à maintenant, la stratégie de pression de l’intersyndicale, consistant à appeler à des journées de mobilisation isolée sans jamais construire véritablement la grève reconductible et sans jamais revendiquer plus que le simple retrait de la réforme, s’est montrée impuissante à faire plier le gouvernement. Et ce malgré un mouvement historique qui a mobilisé massivement des pans entiers du monde du travail.

Certains secteurs actuellement en grève reconductible comme les éboueurs de Paris, les cheminots et les raffineurs montrent la voie. C’est par cette méthode qu’il sera possible de faire reculer Macron, à condition que la grève reconductible s’élargisse à l’ensemble des secteurs du monde du travail pour bloquer l’économie et imposer un véritable rapport de force. Mais pour ce faire, et mobiliser largement, il est primordial d’élargir les revendications du mouvement à l’ensemble des problématiques qui frappent le monde du travail, à commencer par les augmentations de salaires et les conditions de travail.


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