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Un film sur un piquet

Projection des « Petites mains invisibles » avec les grévistes de Geodis : « sans nous, les patrons ne sont rien ! »

Ce lundi 31 octobre, une centaine de personnes étaient présentes sur le piquet de grève des Geodis à Gennevilliers pour assister à la projection du film « Les petites mains invisibles ». Au menu : soutien aux grévistes en lutte pour les salaires et riches échanges sur la nécessité des caisses de grève, de l'auto-organisation et de la stratégie à adopter pour se battre face aux patrons.

Augustin Tagèl

1er novembre 2022

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Le rendez-vous lancé pour une soirée de solidarité et la projection du film Les petites mains invisibles s’annonce très réussi. En grève depuis le 17 octobre, les travailleurs de Geodis de Gennevilliers, qui touchent à peine 1 300€ par mois, exigent des augmentations de 150€ pour tous et 100€ supplémentaires pour les plus petits salaires. Dans le même temps, la direction de cette entreprise qui réalise des milliards de bénéfices se verse des primes de 300 000€, sur le dos cassé des travailleurs. Car ce que va illustrer le film, et ce que disent et répètent les grévistes, c’est que leur lutte est loin de se cantonner à des questions salariales. C’est aussi un combat pour la dignité, contre le mépris quotidien des patrons. Un combat pour relever la tête face à ceux qui les exploitent et brisent leurs corps.

« Tirez de leur victoire la force de remporter la vôtre ! »

Ce qui frappe d’abord, c’est la ressemblance des grèves. Entre la lutte menée par les travailleuses d’ONET et celle que vivent en ce moment les salariés de Geodis, les points communs sont nombreux. Sur la forme d’abord, puisqu’il s’agit de deux entreprises liées à la SNCF, l’une sous-traitante, l’autre filiale, exploitant majoritairement des travailleurs racisés, souvent issus de l’immigration, qui subissent au quotidien la double peine de l’exploitation raciste. Ce sont les mêmes maux dont souffrent les corps, la fatigue, les cadences infernales, les dos cassés. Ce sont les mêmes salaires de misère.

« C’est important de voir comment nos frères et nos sœurs travailleurs ont fait pour lutter, pour gagner, parce que si vous êtes en grève, ce n’est pas pour la beauté du geste, c’est pour gagner ! » lance Anasse Kazib au micro, cheminot, syndiqué SUD Rail et militant à Révolution Permanente, pour présenter le film . « La grève c’est un combat qui se durcit avec le temps, ce que le film montre bien, c’est que le plus important c’est le mental, la tête, c’est le moteur pour gagner », ajoute-t-il avant de laisser la parole à Fernande Bagou, travailleuses d’ONET sur la ligne H, l’une des dirigeantes de la grève victorieuse. « Une grève, ce n’est pas facile, il faut du courage, de la détermination. On perd du salaire, on voit peu nos familles, mais pour gagner il faut aller jusqu’au bout ! » s’exclame-t-elle.

« J’ai beaucoup appris avec ce film, nous devons rester unis, nous battre tous ensemble »

Djibril, l’un des grévistes, prend ainsi la parole au micro, suite à la projection du film, lançant un échange prenant et émouvant entre les grévistes et leurs soutiens.

Deux éléments principaux ressortent parmi les interventions après le visionnage : l’importance capitale de la solidarité et de l’unité des grévistes, et le combat pour la dignité, intrinsèquement lié à la grève.

« Ce qui m’a touché, c’est que dans le film, c’est la même population que nous », exprime Mouloud, délégué CGT et gréviste, « la société tente de nous faire avoir honte de ce que nous sommes, mais quand on voit les travailleuses d’ONET, se redresser et se battre, ça nous donne de la force » poursuit-il, avant d’ajouter « nous devons relever la tête et être fiers, parce que sans nous, sans les petites mains invisibles, les patrons ne sont rien ! Nous méritons le respect ! ».

Car c’est bien d’une lutte pour la dignité dont il s’agit également. Lorsque l’on sait que le doyen des ouvriers du dépôt, Ali, a 69 ans, et qu’il est encore obligé de subir ce travail particulièrement pénible, c’est aussi se dresser pour le respect que de faire grève. « Vous vous battez pour plus que quelques augmentations de salaires, comme dans le film, vous vous battez pour le respect et la dignité, pour les anciens, que les patrons n’ont pas honte de faire encore travailler », commente Anasse Kazib.

Marqué par les exemples et les réflexions portées par le film, Djibril s’attarde sur l’importance de l’union des travailleurs, « oui nous allons aller jusqu’à la victoire, mais comment ? Chacun de nous qui quittera la grève ce sera une défaite. Pour gagner nous devons combattre, mais surtout nous devons rester unis dans ce combat. Ça ne sera pas facile mais nous devons garder la force ».

Ce moment d’échange sur le piquet, de discussions sur la solidarité, de prise de conscience de ce que c’est de relever la tête pour se réapproprier sa dignité, tout cela fait chaud au cœur des grévistes, comme l’exprime Laurent : « je suis heureux. Il y a de la solidarité, de l’entraide, mais surtout nous discutons entre nous, entre grévistes. Face au mépris total de la direction de notre condition même d’ouvriers, la seule réponse est la grève. S’il faut aller jusqu’en 2023, on ira. Oui ce sera dur, mais nous avons la tête haute, et nous sommes dignes ! ».

Les grévistes appellent maintenant Moussa à prendre la parole, l’un des plus âgés des grévistes. Les cheveux et la barbe blanche, il s’exclame dès le micro en main : « Il faut se battre ! Moi il ne me reste qu’une ou deux années, mais je parle pour les jeunes ! Ils ne gagnent rien ! Certains n’arrivent même pas au 10 du mois avec ces salaires. Aucun salarié ici n’a pas demandé d’acompte sur salaire ! La direction se moque de nous ! ».

Ces travailleurs qui devraient déjà être à la retraite, depuis longtemps, alors que dès 40 ans, des maladies, des déformations commencent à apparaitre sur les corps soumis à des travaux pénibles. « Les plus ancien, les pères de familles, qui sont avec vous ce soir, qui se battent à vos côtés à quelques années de la retraite, pour les plus jeunes, portez-les, aidez-les » avance Anasse à propos de la solidarité entre grévistes, « Ne pensez pas au patron, pensez à eux. Leur détermination vous tire en avant dans la grève ! ».

Ces discussions et débats entre travailleurs grévistes et leurs soutiens mettent enfin en lumière un dernier point, primordial : les questions tactiques. La caisse de grève, son abondement et l’élargissement de la grève en sont autant de facettes.

« Il faut dire à tous les syndicats de cheminots : donnez à la caisse de grève ! »

C’est ainsi que Laura, cheminote, syndiquée SUD Rail, conclue son intervention au micro du piquet. Le point qu’elle vient d’aborder est central, et est l’une des raisons pour laquelle cette projection publique a été organisée. Parlons simplement : l’expérience transmise par le visionnage du film et le versement de 1250 euros à la caisse de grève ce soir-là, grâce au barbecue solidaires organisé par Révolution permanente sont complémentaires.

Comme l’a montré la lutte des travailleuses d’ONET, et comme le racontaient déjà de nombreux travailleurs, la grève est une lutte difficile, et si les premiers jours peuvent apparaitre abordables, il faut toujours se préparer à un durcissement du combat. Face aux problèmes financiers, qui pèsent parfois lourdement sur le moral des grévistes, et sur lesquels jouent les patrons pour casser les mouvements, il n’existe qu’une seule parade efficace : une caisse de grève bien pleine.

La solidarité ne doit pas être confinée aux seuls grévistes et à leurs soutiens. Le combat que mènent les travailleurs de Geodis est un signal fort, pour l’ensemble des travailleurs qui subissent la pression des cadences infernales, la souffrance des travaux physiques, et la misère des bas salaires. C’est pour cela, qu’il est important de faire tourner au maximum leur caisse de grève, d’appeler largement à y contribuer, pour donner à leur lutte le plus de force possible, et pour leur permettre de tenir le combat jusqu’au bout, jusqu’à la victoire.

Parmi les soutiens venus en nombre ce soir, Yassine, travailleur au dépôt Geodis de Saint-Ouen-l’Aumône : « Je suis venu soutenir mes camarades en grèves , nous explique-t-il, « on est très attentifs à ce qui se passe ici, s’il faut aller plus loin on ira, s’il faut faire grève sur les autres dépôts on le fera ! ». En effet, le message envoyé par les travailleurs combatifs de Gennevilliers doit pouvoir inspirer l’ensemble des salariés des autres centres Geodis, qui, comme eux, subissent une exploitation acharnée par les mêmes patrons, subissent la précarité la plus totale, et, surtout l’invisibilisation forcée, comme les travailleuses d’ONET avant eux.

Leurs réalités sont les mêmes, leurs intérêts convergent, et comme l’énonce Djibril à notre micro, après son intervention devant ses collègues « cette direction est sans pitié. Mais nous sommes prêts. Nous somme décidé à vaincre, nous sommes déterminés. Nous irons jusqu’au bout ».

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