JEUNESSE

Pour résoudre la crise, mettre les universités au service des travailleurs

Ariane Anemoyannis

Pour résoudre la crise, mettre les universités au service des travailleurs

Ariane Anemoyannis

En pleine crise sanitaire, la place des universités et de la jeunesse au sein de la société se pose de manière brûlante. Lorsque des vies sont en jeu, l’aide que pourraient apporter étudiants et chercheurs pour résoudre l’épidémie n’est pas négligeable. Cela suppose de lutter pour une université au service de la majorité, contre les intérêts capitalistes. 

Les universités ne jouent pas le rôle qu’elles pourraient jouer

 
Dans l’urgence d’une crise que le gouvernement n’a pas souhaité traiter alors que tous les signaux étaient au rouge, Emmanuel Macron a décidé de renvoyer les chercheurs, doctorants, et étudiants chez eux. Fermées depuis le 11 mars, l’ensemble de leurs infrastructures – salles de classe, laboratoires, bibliothèques - prennent la poussière à mesure que la crise sanitaire perdure. Pourtant, la France dispose de 74 universités, plus de 3 000 laboratoires de recherche, plus d’1 650 000 étudiants, 57 000 enseignants chercheurs et 94 000 doctorants. Une « armée savante » qui pourrait jouer un rôle important si elle était mise au service de la gestion de la crise. 

Mais pour une grande partie des étudiants - qui ne travaille pas ou dont le travail a été interrompu par le licenciement ou le chômage partiel - crise épidémique rime avec confinement, qui, lui, rime avec continuité pédagogique. Un terme qui, non seulement, cherche à cacher des inégalités qui s’approfondissent entre les étudiants (petits appartements, absence ou mauvaise connexion internet, aucune aide parentale, etc.), mais qui implique, également, que toute l’attention des étudiants dans la période soit focalisée sur leurs devoirs ou leurs examens de fin d’année. Une situation dont la contradiction saute aux yeux : tandis que nous assistons à une crise mondiale multifactorielle qui risque d’engendrer plusieurs centaines de milliers de morts à échelle internationale, le gouvernement, appuyé par les directions d’université, impose aux étudiants un rythme scolaire en total décalage. Pourtant les étudiants pourraient contribuer à apporter des voies de résolution à cette crise. Cela nécessiterait, en premier lieu, de mettre en place une validation automatique du deuxième semestre qui permette aux étudiants, professeurs et personnels de se libérer de la pression scolaire et de s’organiser pour faire face à la crise. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles..

Nous voulons être utiles aux travailleurs et à la société, pas au gouvernement

 
D’autant que la jeunesse semble avide de pistes de résolutions. Depuis le début de la crise, de nombreux étudiants cherchent à « se rendre utile » et multiplient les initiatives en ce sens.

À Angers, des étudiants en pharmacie ont décidé collectivement de fabriquer des gels hydroalcooliques pour combler les pénuries engendrées par les politiques néolibérales des gouvernements successifs. À Toulouse, ils se sont mobilisés pour porter secours aux sans-abris pénalisés par les mesures répressives du gouvernement. 

Une volonté d’être partie prenante de la solution dont le gouvernement entend profiter à sa manière. Bénévolat, armée de réserve, emploi des étudiants infirmiers pour quelques centimes... la bourgeoisie ne manque pas d’idées pour transformer cette préoccupation progressiste de la jeunesse en main d’œuvre gratuite ou bon marché. Si le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine Patrice Diot estime que "la solidarité est au cœur de la vocation médicale et soignante", il s’agit de dénoncer son instrumentalisation par l’État et le patronat.

Pour une université au service de la classe ouvrière et la société 

 
Réquisitionner l’ensemble des ressources des universités
Davantage que des initiatives individuelles - comme à Corte où les laboratoires ont été réquisitionnés pour répondre aux besoins urgents des hôpitaux et soignants - la gravité de la crise supposerait la mise à disposition de l’ensemble des infrastructures universitaires. Les laboratoires pourraient contribuer à la recherche d’un vaccin et à la fabrication de gels hydroalcooliques, les imprimantes 3D à construire des pièces pour les respirateurs, les bibliothèques pourraient rendre accessibles de nombreuses données, archives et documentations à ce sujet.

Pour cela, il est nécessaire que les étudiants, professeurs et personnels fassent pression sur leur ministère de tutelle pour qu’il rende publiques les ressources matérielles et intellectuelles, afin que l’université puisse déployer ses services à hauteur de ses capacités. 

Pour des connaissances utiles à la classe ouvrière 
Si les directions d’université et le gouvernement ne choisissent pas de mettre les facultés au service de la résolution de la crise, c’est aux étudiants, profs, et personnels de faire valoir cette nécessité impérieuse. Contre des universités au service du grand capital, c’est à elles et eux d’organiser et de contrôler la contribution de leur établissement à la résolution de l’épidémie. Il s’agit ainsi d’exiger que l’université soit dirigée par ceux qui y étudient, y enseignent, et qui la font tourner.

Les étudiants, professeurs, et chercheurs doivent pouvoir collectiviser leurs connaissances et expériences professionnelles. Dans toutes les filières, des cadres d’auto-organisation réunissant professeurs, personnels et étudiants pourraient décider des différentes façons de contribuer à la résolution de la crise. 

Les départements de droit pourraient, en lien avec les travailleurs de certaines entreprises ou secteurs, procurer des conseils juridiques afin d’aider les salariés à faire valoir leur droit de retrait, défendre des conditions sanitaires stricts dans les productions essentielles, et contester les pressions patronales illégales. Les UFR de science et de chimie pourraient contribuer à mettre en place une campagne de tests massifs et gratuits, participer à la fabrication de gels hydroalcooliques et à l’effort de recherche de médicaments et vaccin. Les écoles d’ingénieurs pourraient réfléchir, en lien avec les travailleurs des secteurs de l’industrie, à la réorganisation de la production dans les usines non essentielles. Les étudiants et professeurs de journalisme pourraient aider à la transparence de l’information sur l’évolution de l’épidémie, particulièrement manipulée par les gouvernements. Pour accompagner les travailleurs en première ligne de la crise et les familles de malades, les départements de psychologie pourraient participer à la création de cellules psychologiques dans les universités et les lieux de travail, et ainsi de suite. 

Les grandes entreprises doivent payer 
Cette contribution doit être financée intégralement par les grandes entreprises, qui ont bénéficié de partenariats juteux avec les universités pendant plusieurs années. En France, un euro investi dans la recherche rapporte quatre euros, et ce sont les géants du CAC 40 qui récoltent les fruits de nos recherches doctorales. Il s’agit aujourd’hui de récupérer ces fonds pour les mettre au service de la reconfiguration des universités. Également, les richesses faramineuses des industries - en 2019, Airbus a versé 5 milliards de dividendes et les bénéfices de PSA ont augmenté de 3,2 milliards la même année - récoltées sur le dos des travailleurs doivent être mises à profit de la recherche, de la réorganisation de la production pour répondre aux besoins sanitaires, et du financement de conditions de travail dignes pour les étudiants qui participent à la résolution de la crise. 

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